Éh éh éh, ça vous rapelle kek chose ? Crooaaa, crooaaaa
On l’aura compris : j’aime le Japon en particulier parce que je ne comprends rien à ce pays et ses habitants ! Et j’aime être bousculée dans mon rapport aux autres, être interrogée, que rien n’aille de soi.
À Tokyo, il y a des corbeaux, beaucoup de corbeaux et les tokyoïtes entretiennent avec ces oiseaux une relation bien ambigüe. C’est que notre ami 烏 — karasu, le corbeau a quand même une présence centrale – j’allais dire cintrale – dans la ville. Je peux en témoigner.
Imaginez nos noirs camarades à l’époque de la nidification qu’ils pratiquent intra muros, bien sûr : pour élaborer une bonne armature, solide et esthétique à la fois – car le corbeau aime les belles choses – notre ami chaparde des cintres, ceux sur lesquels le linge est censé sécher sur les terrasses (phrase à dire vite et à voix haute). Et il tricote des nids du plus bel effet, façon sculpture d’art conceptuel… Pour le confort, on a des doutes. Mais peut-être parfois, les vêtements sont volés avec les cintres et servent à tapisser le fond. Car le corbeau est très malin.
Malin mais un peu saccageur sur les bords : les cintres, c’est lui, les poubelles ravagées, c’est encore lui, les fientes partout, toujours lui ! Alors, les habitants de Tokyo se lassent même s’ils s’extasient devant la ruse de Maître Corbeau et devant les nids. Parce que les trottoirs débordants de détritus, ça non !
Les corbeaux sont à Tokyo ce que les pigeons sont à Paris, cintres en prime.
un truc qui n’a apparemment rien à voir (oui mais : les corbeaux ne sont pas loin) : les pois de senteur aux bords des routes sont superbes en ce moment.
Ben oui, je m’en doute ! Et tu sais quoi, j’aimerais les voir, les sentir (les pois, hein, pas les corbeaux !)
“Les oiseaux”, un film qui reste dans toutes les mémoires. Quelle angoisse ! Des corbeaux à Tokyo ? Je ne savais pas. Je me souviens de ceux qui coassent en nombre juste au-dessus du cimetière
juif de Prague. De drôles d’oiseaux vraiment, ambiance garantie ! Ou bien c’est nous qui la créons aussi…
Quand, ça a marqué les esprits, ces volatiles… à cause de la couleur aussi ! Mais dans certains pays, le corbeau est porteur de bonnes nouvelles, sûrement dans le pays où la couleur du
deuil est le blanc.
Prague + cimetière + corbeaux = cœur lourd
J’ai regardé ce beau reportage tourné au Japon, et restée pantoise devant l’ingéniosité de ce gros oiseau noir. Sortant du cinéma, place Gambetta, je baissais la tête et pinçais le bras de ma
copine à chaque frôlement d’ailes des pigeons, les oiseaux d’Hitchcock m’ont longtemps marquée!
C’est vrai, je me souviens de ta ” zoizeauphobie “‘ après avoir vu le film – et tu n’étais pas la seule ! Le reportage du Japon m’a rappelé bien des souvenirs, y compris les petits temples
shinto au coin des rues avec offrandes de nourriture : faut pas s’étonner si les corbeaux aiment Tokyo !
A en croire le récent petit documentaire diffusé par Arte récemment, comme il y a beaucoup de corbeaux à Tokyo – sans doute autant que de pigeons chez nous – cela signifie beaucoup de nids et
donc beaucoup, beaucoup de cintres (les nids sont volumineux) ! Ces oiseaux ont donc une fonction supplémentaire en détournant ces milliers de cintres de la chaine des déchets. De telles
quantités illustrent d’ailleurs la consommation de nettoyage à sec des Tokyoïtes… Mais ces nids rendent les parents corbeaux suceptibles et parfois même agressifs avec les hommes qui s’en
approchent trop. La municipalité a donc été contrainte de créer une équipe spécialisée de destruction des nids (avec leurs occupants…) et qui n’intervient qu’à la demande d’un plaignant. Mais
tout cela ne va pas en conformité avec le shintoïsme et son respect de la vie. Aussi, après chaque razzia, les hommes font une petite cérémonie pour demander pardon au corbeau. Rien n’est simple.
Rien n’est tout noir ou tout blanc. Sauf le corbeau.
Les nombreuses terrases sur lesquelles sèchent le linge – enfilé sur les bambous – abritent aussi les fameuses carpes en tissu et tout cela flotte gaiement au vent.
Le rituel shinto me laisse un peu dubitative : les japonais en connaissent un rayon en respect de la vie – tant comme victimes que comme bourreaux ! – et cela me semble plus une superstition
poncepilatesque, mais ça, c’est mon mauvais esprit.
Et je suis sûre qu’il doit bien y avoir un corback ou deux avec une plume blanche, ou une tache bleue.