Je l’ai dit, je n’aime pas le mois d’août. Mais il faut nuancer : je me promène et fais des rencontres. Cette année, nous sommes cernées par les moutons, brebis et agneaux. (Photo de Une Clarisse Méneret : Bibi et Lolo). Ils ont de très beaux yeux. Et des bêlements très différents, le pire étant celui de la brebis à qui on a enlevé ses petits le matin même. Chagrin.
Le cri du mâle est fort, puissant et plutôt que ” BÈÈÈ ” j’entends ” MÈÈÈ “. Il en va du cri des animaux comme de tout : parfois on n’entend pas la même chose.
J’aime bien donner des prénoms aux bêtes que je rencontre. Cyril s’est immédiatement imposé pour le gros mâle. C’est comme ça. Les moutons, ça dort beaucoup… et ça mange. Le soir, la fermière les appelle pour compléter le pauvre broutage du jour et ils arrivent en cavalant, à la queue leu leu (non, je n’ai pas vu de loup qui est à l’origine de l’expression) : impressionnante ruée !
Un peu plus loin, au bord de la rivière, il y a nos amis. Albert est content car je chasse les mouches autour de ses yeux. Alors, il reste là et on se regarde. Animal, anima, principe de vie.
Des papillons, des sauterelles, des mouches (beaucoup trop !).
Souvent, le matin tôt et le soir, le petit rouge-queue noir vient se percher sur la barrière. Peu d’oiseaux exceptés les omniprésentes corneilles et des geais. Ce sera tout. Sauf que… sauf que… mais avons-nous rêvé ? Dans une forêt, j’aperçois un grand oiseau blanc. Ici, pas question de mouette ! Et quelques secondes plus tard, voilà que repasse, plus lentement cette fois… une cigogne. Une apparition, une fée dans ces lieux. Un couple doit nicher par là.
Mais dans ma tête, il y a des chimpanzés. Uniquement dans ma tête parce qu’en Dordogne…
Ce sont ceux du Liberia. Plus précisément, ceux d’Hannah Musgrave, l’héroïne du livre superbe de Russell BANKS, American darling. Ils ne me quittent pas. J’ai fini ce livre depuis plusieurs semaines mais ils continuent de me hanter.
De nombreux personnages traversent le roman et c’est normal puisque c’est l’histoire d’une vie plutôt remuante.
Mais les chimpanzés y occupent une place extrêmement importante. En effet, pour Hannah ils sont ” nos cousins très proches “. Quand elle arrive au Liberia et qu’elle les voit pour la première fois dans les cages étroites du laboratoire, elle est bouleversée. Elle les appelle ” mes rêveurs “. Elle prend la décision de les sauver. Mais elle ne peut pas les relâcher dans la nature : ils sont trop faibles. Elle croit qu’elle peut y arriver en les emmenant sur une île. C’est compter sans la sauvagerie des hommes et l’horreur de cette guerre civile.
Relisez American darling ! C’est un des livres les plus forts que je connaisse ! Je remercie la pourvoyeuse.
Extraits :
Je parle ici de la différence entre empathie et sympathie, entre sentir pour l’autre et sentir avec lui.
Un autre :
En vieillissant, nous devenons des animaux différents. Surtout les femmes. Et quand nous sommes devenues un animal qui n’a plus d’intérêt sexuel, les jeunes – parce qu’ils croient qu’ils ne seront jamais vieux – nous traitent comme si nous étions une autre sorte de primate. Comme si l’un de nous était un chimpanzé et l’autre un être humain.
Pour la musique, j’ai bien pensé à Pépé de Léo Ferré mais non… Et plein de chansons d’enfants sont arrivées. Spécial dédicace à mes enfants qui ont tant aimé celle-là :
J’ai eu quelques mois la compagnie d’un bousier, il s’appelait Aristote.
Terrible, l’invisibilité des femmes vieillissantes, ou alors enfin en paix, libérées de la séduction, aussi joyeuses qu’un grand singe enfin libre ?
Oh quel beau nom ! Il aurait pu s’appeler Sisyphe aussi mais c’est triste.
Oui, j’ai trouvé cette phrase vraiment étrange… et passionnante. Et bien sûr, j’adhère totalement à ta deuxième proposition ! Libre, oui, comme seules savent l’être les femmes… disons mûres. C’est beau, mûr.
Ce qui me frappe en Grèce, c’est la liberté totale de ces femmes d’un certain âge, dès la cinquantaine.
[…] en Grèce, c’est la liberté totale de ces femmes d’un certain âge[…]
Cette “liberté”, de quelle nature ? Quel affranchissement (en Grèce en particulier, s’il en est) ?
La liberté de tout : dans leurs corps, façons de bouger, vêtements, dans leur langage. À la fois puissantes et tranquilles, affirmées sans ostentation. Faut les voir et entendre entre elles : elles se marrent, fument, boivent. On dirait qu’elles se foutent de tout ! Et surtout du regard des autres (et des hommes).
Ah, des îles enfin en leur soleil largué! 😉
Mais avant, dure comment est l’attache ?
Ah ça, monsieur… Je ne sais. Assez dure pour tenir. Colonne de la famille. Mais c’est récent (post dictature).Ce que je vois, c’est qu’elles mènent leur barque.
Merci pour ces parties de campagnes, bellement habitées.
Le papillon en image (que l’on voit assez souvent dans nos champs si je ne me trompe), quel est son nom ?
C’est la Mélitée des mélampyres (j’adore). J’ai longtemps cru que c’était la Belle-dame ou Vanesse des chardons mais mon camarade m’a dit NON ! le nez dans son bouquin de papillons. Alors…
Pour la coquille, l’escargot Norbert te remercie : il va mieux (message codé)
La “Mélitée des mélampyres” ? Merci pour cet acquis.
Mais quelle princesse au nom pareil !
Je me fais graine de fleur pour Noël, corolle pour la suite en paroles…
Pour ce qui est des femmes grecques, je connais la Vénus de Milo qui, c’est vrai, a l’air libre, mais surtout, je pense à ces nombreuses chanteuses dont la voix, immédiatement typée grecque, me bouleverse toujours.
Invisibles ? pas elles !
Justement à l’époque de cette Aphrodite, ce n’était pas très rock’d roll pour les femmes en Grèce : maison, reproduction.
Mais pour ce qui est des voix, vous savez, mon cher Horus, à quel point nous sommes d’accord sur la beauté du grain, la perfection des timbres, le cuivré… Tout nous enchante. Splendides !
Pour les femmes d’aujourd’hui, lire le commentaire de Feggari : tout est dit.
Les femmes grecques. Jeunes, belles, désirs de famille sous des airs de donzelles délurées et modernes. Puis mariées, des enfants, protectrices, nouricières, maternelles limite chiantes. Et quand la progéniture s’envole et que les maris passent leur temps au kafeneion avec les copains, sont enfin libres de naviguer avec les amies (la “parea”) de monastère en monastère, sous des prétextes religieux (mais aussi très religieuses, c’est le paradoxe) , toutes dévotions se terminant à la taverne du coin. Et là ça rigole, boit, mange et je pense qu’elles se racontent tout, puis rentrent chez elles pour dorloter ce qui reste encore à materner. La famille avant tout, les fils ne jurent que par elles (les fiancées ont du boulot pour être à la hauteur des belles-mères), à la maison ce sont les reines.
“Mélitée des mélampyres” : le nom est extraordinaire, le papillon a intérêt à assumer.
Voilà, le tableau est parlant !
Oui, ce nom m’a laissée sur le flanc, si impérial pour un joli petit papillon très commun… Peut-être qu’on s’est trompés. Je retourne dans le bouquin.
Merci beaucoup pour cette si bien dite présentation de la grecque famille, son coeur.
Intéressant ce mot “parea”. À chercher quelles nuances s’y rattachent, on (re)tombe sur le blog de “Langue sauce piquante” (que l’on visite souvent) :
https://www.lemonde.fr/blog/correcteurs/2007/08/19/parea-viree/
où est succinctement expliqué que l’équivalent en français n’existe pas vraiment.
Et en toute fin des commentaires (évitez les précédents…) est avancé ceci : […]l’étymologie du mot «parea» dans un dictionnaire. Il précise que «parea» vient de «pareja» (= couple), un mot du dialecte juif espagnol[…]. Thessalonique, etc.
Juste?
La parea c’est bien la “bande” (pas la virée), copains de classe, d’uni, et aussi plus tard dans la vie : on se voit, on sort ensemble, on se retrouve à la taverne, on est de toutes les cérémonies de la vie, c’est un lien social indéfectible. On n’a pas plusieurs parea. Quoique…
Concernant l’étymologie, je ne pense pas que la notion de couple s’apparente pas à la parea.
Des Grecs m’ont souvent posé la question “toi, tu as une parea ?” – devant la négative ils me disaient “ce n’est pas bien ça, il te FAUT une parea”.
Ici, toutes les traductions possibles de parea/παρέα (https://fr.glosbe.com/el/fr/παρέα).
Merci encore pour toutes ces nuances pour le terme “parea”.
C’est vrai que la notion de couple en semble bien absente
Ça rappelle un peu ce qui se pratique au Japon avec les amitiés sédiments des différents parcours en leurs âges. Mais cela ne dépasse pas généralement un genre de rencontres assez formel, comme obligé. Juste histoire de marquer son histoire.
Alors qu’il semble que sur vos rivages, l’âge se doit d’être entouré – hors jalons si nécessaire.
Divan partage? (Non pas “divin”, bien que…) ?
Mélitée, oui c’est bien elle : https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/219812 – et aussi des choses intéressantes sur wikipedia, notamment son copinage avec le castor. (Mais de quoi jmemêle…)
Mais si mais si ! Ici, on s’mêle ! En plus, c’est passionnant, l’histoire du castor. Et son nom anglais – Heath Fritilliary – m’a bluffée car j’avais pensé aux fritillaires – fleur que j’adore ! – en le voyant. Ça va loin…
J’aime, j’adore… Je lis et je suis dans la grande “Colette”… et j’apprends tellement de belles choses….
Merci, Nana… C’est vrai que Mané et sa Colette me tiennent par la main. Ravie de te faire plaisir.