Vous avez eu mai en avril. Eh bien, vous avez avril en mai.
Tout fleurissait, trop vite, trop tôt. On se réjouissait mais… Bien sûr que c’est merveille ces glycines et ces lilas ! Maintenant, ça pleure.
Les chaussettes jetées par dessus les moulins, les arpions jubilaient ! On les a ressorties (les chaussettes) du compartiment hiver.
Les fenêtres ouvertes la nuit ont retrouvé leur position ” hiver “.
On sait qu’ils reviendront, les beaux moments tièdes. En attendant, les oiseaux qui avaient commencé les préparatifs pour les nouveaux arrivants chantent moins, moins fort, moins joyeusement.
Du coup, mélancolique, j’ai repris mon Proust, je suis repartie avec Swann et son amour. Ce titre, je l’entendais enfant comme dans l’expression ” Un amour de petit chien “, c’est-à-dire que Swann était un amour, un type adorable.
L’exemplaire, Livre de poche de 1956 à 150 F appartenait à ma mère. En quatrième de couverture, un portrait de Marcel Proust par J. E. Blanche (photo Vizzavona écrit en italique et entre parenthèses sous la légende) : du temps où les éditeurs faisaient leur boulot. On nous dit même ce qui figure en première de couv. : Sur la couverture : aquaralle de Van Dongen extraite de ” A la recherche du temps perdu ” (Gallimard) en corps 8 à peu près.
D’ailleurs Van Dongen peint Gilberte aussi, ” une des fées du faubourg Saint Germain ” *:
Laquelle des trois jeunes femmes est Gilberte ? On peut jouer.
J’ai mis très longtemps à saisir (et je n’en suis pas sûre encore) la chronologie de La recherche. Sans doute parce que j’ai tout lu en désordre. Cette Gilberte dont je croyais tout savoir… Voilà que je n’y comprends plus rien. Alors Gilberte est la fille d’Odette et de Swann. Bon, d’accord. Mais elle change de nom. Et pas qu’une fois. Elle est sans doute complexe parce qu’elle balance entre l’héritage sociologique de sa mère et de son père, donc deux Gilberte auxquelles il faut ajouter une troisième qui souffre de ce clivage.
Alors, vais-je relire La Recherche dans l’ordre et me pencher sur l’histoire de Gilberte ?
Tiens, il pleut. Je vais sortir pleurer avec les pâquerettes en attendant Saint Pancrace, saint de glace. Ne les cherchez pas dans le calendrier : ils n’y figurent plus.
Mais je ne sors pas seule : j’emporte la sonate de Franck en pensant au ” serpent à sonates ” de Marcel Proust. La sonate de Vinteuil ou pas ? Des suggestions, les mélomanes et néanmoins proustophiles ?
* Jacques Dubois – Le roman de Gilberte Swann – Proust sociologue paradoxal – Le Seuil, 2018
sur la chronologie de la RTP, il y en a qui s’y sont essayés, en particulier un certain Michel Erman. On ne dira pas qu’il a tout faux, mais il s’est pas mal planté. L’exercice est d’ailleurs impossible et au fond ça n’a aucune importance. Oui les illustrations de Van Dongen (reprises pour la première édition en Folio, 1972) sont très bien. Tu parles de Gilberte, mais Albertine, tu en penses quoi ?
Vous me rassurez, Palamède ! Et puis, c’est vrai, quelle importance ?
Albertine, je l’aime bien : elle est insaisissable. J’aime (dans mon souvenir) son insolence et ses atermoiements. J’aime qu’elle aille et vienne à sa guise. Et puis, mourir d’une chute de cheval, c’est classe, non ?
Je vous en dirai plus lorsque je la rencontrerai à nouveau. C’est si loin…
Le charme fou de ces couvertures des premiers Livres de poche… Ou est-ce la nostalgie de ce temps, l’ivresse de la découverte de tant de lectures jusque-là inaccessibles – ou presque ? Van Dongen est plus inspiré dans son bouquet de fleurs qu’avec ses trois fées !
Oh oui ! Même si je suis d’accord sur Van Dongen (ces fleurs bien que n’étant pas des catleyas sont plus jolies, folles et colorées que les trois donzelles), je crois que ces couvertures étaient formidables ! J’en ai un grand nombre en mémoire et quand je vois une couverture de cette époque, un petit pincement. Mais tu dois avoir raison : nostalgie. Quelques éditeurs ont fait du très bon boulot : tu connais ça par coeur !
Quelle que soit la chronologie, faudrait que je relise aussi, je me suis fait la même réflexion que toi, pas plus tard que ce matin, sur les seins de glace, tout fout l’camp (et nous avec !)
C’est un étrange voyage, cette relecture ! Tu m’en diras des nouvelles, n’est-ce pas ?
Quant aux saints de glace, on a même zappé le dernier, Saint Urbain dans la plupart des calendriers. Et pourtant quel prénom ! Il y a peut-être un Urbain dans La Recherche… Allez, j’y retourne. (J’essaie d’imaginer les robes des dames : je suis d’un superficiel !)
Tiens, pour faire des pauses : https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-1ere-partie/a-la-recherche-de-marcel-proust
Voilà des années que je veux relire ce Temps, souvenir de l’avoir étudié, sans grand enthousiasme (oui, j’assume mais j’étais jeune, trop politisée pour apprécier le raffinement de Proust que je prenais pour un petit bourgeois). Maintenant je vais m’y remettre, certaine d’avoir laissé échappé tant de choses. Cet été ? Alors merci pour cette piqure de rappel.
Ce qui m’étonne le plus, c’est que je le trouve drôle ! Et que j’y retrouve de nombreux ridicules d’une certaine société contemporaine. Vraiment passionnant… Je ne parle pas de la douloureuse et/mais splendide description des affres de l’amour. Définitif.
Gilberte, méconnaissable, devenue la marquise de Saint Loup dans Albertine Disparue.
Encore une ombre.
Oui, après avoir été De Forcheville… Une ombre, oui. Des ces femmes changeantes.
https://www.humanite.fr/gilberte-swann-reine-discrete-de-la-recherche-du-temps-perdu-649279 Je tombe sur cet article de 2018 à propos de Gilberte. Un aveu : je n’ai jamais lu l’intégralité de la RTP ( toujours recommencé au début sans continuer). D’autres l’ont si bien lue pour moi! Aucun remord!
Tu as bien raison ! Obligée de rien, en lecture : des découvertes, des surprises et comme tu le dis, des passionnés et des consciencieux qui font le boulot. Libre à nous d’y aller ou pas.
Merci pour le lien.