“Le touriste ne voyage pas : il se déplace.” Ainsi tombe le couperet de Nicolas L. sur son blog Les Minuscules dans un article au vitriol : Le tourisme est une névrose. Billet d’une acidité et d’une intelligence remarquable. Mon billet est en fait une longue citation de cet article.
Je ne voyage plus, enfin pas dans un rayon de plus de… 530 kilomètres (Bordeaux-Paris, Bordeaux-Lyon) et mes voyages d’agrément se limitent aux départements voisins. Je rencontre encore des personnes qui, parlant de leurs voyages, commencent leur phrase par “J’ai FAIT… On a FAIT…”. Là, quelque chose se ferme dans ma tête.
Quelle chance j’ai eue ! Je ne vais pas parler de mes voyages mais juste dire que j’ai eu l’immense chance d’avoir vingt ans en 1970. Et ça (ci-dessous, Venise), je n’ai pas connu et ne veux pas connaître :
Je continue avec le “méchant” et lucide Nicolas L. Je ne peux couper dans sa prose acérée.
Mon objet d’étude est bien plutôt le touriste d’aujourd’hui, le touriste archétypal, celui qui compose 90% du bétail touristique ; […] le touriste incarne notre époque d’infantilisme, de narcissisme et d’exhibitionnisme. Il en est la personnification suprême. Le marqueur le plus pur.
Le tourisme, en effet, ne s’est pas toujours résumé à brandir sa perche à selfies aux quatre coins du monde. Le tourisme n’a pas toujours été cette activité ignoble et impunie consistant à se pavaner en bermuda jaune fluo dans des lieux conçus par les plus grands génies. Le tourisme ne s’est pas toujours résumé à parader en t-shirt à message devant les productions des esprits les plus raffinés qui se puissent imaginer. Le tourisme n’a pas toujours consisté à défiler devant des chefs-d’œuvre les yeux rivés à son smartphone. Le tourisme ne s’est pas toujours limité à photographier et à caméscoper le monde ; il n’a pas toujours consisté à interposer systématiquement un écran entre soi et la beauté du monde, pour ne jamais la regarder de ses propres yeux. Le tourisme ne s’est pas toujours réduit à une activité d’enregistrement boulimique de la réalité ; il n’a pas toujours visé à entasser des photos sur une carte mémoire pour ensuite exhiber ce trophée et en tirer une jouissance narcissique. Bref, le tourisme n’a pas toujours été un nombrilisme.
Il fut un temps, en effet, où le tourisme procédait de curiosité, d’ouverture d’esprit, de recherche d’émerveillement. Un temps où le tourisme était effacement temporaire de soi devant l’autre et le différent. Un temps où le tourisme était oubli de sa subjectivité au profit d’une admiration pour la richesse et la diversité des autres cultures […] ; un temps où le tourisme était non pas ostentation, mais discrétion ; où il consistait à se mettre non pas en avant, mais en retrait. Non pas à s’admirer, mais à admirer. À se rendre disponible. À se laisser envahir par l’étonnement.
[…] Le touriste est l’homme qui a disparu. Je l’ai déjà dit : il est celui qui va partout, mais n’est jamais nulle part. Car il a fusionné avec le monde. […]
[…] Et cherche en vain, dans ces voyages au bout de l’ennui, le remède à son absence d’être. C’est qu’il ne sait pas que le seul vrai voyage est intérieur. Et qu’il devrait donc, pour l’entreprendre, s’arracher à sa routine de mimétisme et d’exhibitionnisme. Il n’en prend pas le chemin. Il n’en est pas capable, de toute façon. Et puis surtout, il n’en a pas envie. Il est trop bien comme ça, ahuri d’autosatisfaction, englué dans ses idées reçues, empêtré dans ses certitudes d’inculte. Qu’on ne le dérange pas : il dort. Et accomplit, vide et fier, sa glorieuse destinée de bébé en bermuda.

On met les voiles ! Mer calme et heureux voyage
Tentée aussi par Les Hébrides du même Félix ou la Symphonie du Nouveau Monde de Dvorak. Je reste sur la mer pas si calme que ça !
P.S. : merci à Hélène B. qui m’avait envoyé cet article
Bon … je n’ai pas tout lu mais je suis tout à fait d’accord avec ce monsieur !
Je supporte difficilement les gens qui ne parlent que de leurs voyages.
Parfois des écolos, qui font 15h d’avion pour aller je ne sais où … ça pollue.
Ça mitraille à tout va, ça envoie des photos (non compressées) par dizaines avec le smartphone (iPhone de préférence) et ça raconte son voyage (de façon détaillée, le petit déj et tout) sur Facebook.
Tout ça pour moi c’est … beurk.
Je savais que ça te plairait ! Il est très très sévère, le monsieur parce qu’il est très très en colère, je pense. mais tout est si vrai. J’ai vu un reportage sur des villes tellement envahies – avec tous les désagréments (le mot est faible) afférents – que les autochtones sont eux aussi en colère et le font savoir ! (p. s. : petite coquille corrigée et com’ aussi donc)
Et comment tu savais ça ? Ha oui, j’ai dû te faire part de mon “horreur” des lieux de vacances envahis par les amateurs de plages surchargées.
L’un des summums est quand même ces fameux bateaux (navires) de croisière (… navrants) où les gens s’entassent par milliers (cf. la photo de Venise).
Hi hi, bien sûr que tu m’as exposé ta répulsion pour certains lieux à certains moments de l’année, toi, l’ours gentil, solitaire mais sociable en petit (et choisi) comité !
Je ne suis pas très grand et gros pour un ours … je suis un nounours.
Ben, j’ai oublié le mot “même” … pourtant il me semble que je relis, je dois être un peu fatigué.
Sinon, au point de vue technique, le dernier rafiot, le MSC Meraviglia est une pure merveille. J’ai vu un reportage, c’est époustouflant !
Oui, un nounours, un Doudou quoi ! (Et c’est une autre coquille que j’ai corrigée.) Je comprends ton admiration pour la technique de l’engin : je respecte l’émerveillement devant ces choses-là, mais pour moi, ce n’est plus un bateau. (5714 passagers ???!!!)
Bravo, hélas ! Le touriste en effet n’a pas toujours été cet être incivil , bruyant et sans gêne, qui envahit Arcachon aux beaux jours… ce tourisme de masse que les élus appellent de leurs vœux bétonne et asphyxie un espace modeste. Créateur d’emplois ? Peut être…. mais les effets secondaires sont sournois .
Je HAIS les touristes – mais tu le sais. Ils ont tué le voyage, parasites consommateurs, bousillé définitivement la perception que nous avons les uns des autres. Mais les voyageurs… Rolin, Bouvier par exemple, oui. Beau et lyrique Mendelssohn, moins connu que le Nouveau Monde.
Sans blâââââgue ??? Comme j’attendais ta réaction : je ne suis pas déçue. Tout d’accord, bien sûr. Je tâcherai d’être voyageuse. J’ai la prétention de n’avoir jamais été touriste, justement dans ce rapport à l’Autre, aux autres. (l’article est bien, hein ?). Merci pour ton appréciation de la musique : elle embarque.
Quelle chance j’ai eu de voyager au long court dans les années 70, où j’ai pu découvrir de l’autre et découvrir de moi…
Même si c’est devenu une rareté, je pense ou du moins j’ai envie de le penser, qu’il est encore possible malgré l’état d’esprit ambiant, de goûter à l’inconnu que nous apporte le voyage. La Vie n’est-elle pas une Aventure ? Amicalement Claire.
Tu as raison, Anonyme démasqué, on peut encore voyager, tout près et/ou très loin puisque c’est en fait un état d’esprit.
Je connais aussi des voyageurs en chambre, des voyageurs pas les livres et, comme tu le dis, des voyageurs de la vie… (il y a aussi des touristes de la vie !)
Bon, je ne vais pas en rajouter une couche, il y aurait tant à dire sur la consom…bon stop, il en est du tourisme, comme de la culture et de tant de domaines : la facilité en tout et pour tout, sans effort et à crédit.
Et je me retrouve avec des gamins de 6 ans (qui ont fait l’impasse sur x jours de classe sans vergogne, l’avion c’est moins cher en dehors des dates de vacances, faut comprendre !) qui me demande de passer au tableau numérique des photos de pays exotiques mais qui sont incapables de me dire le nom de leur département ou de leur région !
Ils feront d’excellents touristes… sauf à faire de belles rencontres (une maîtresse, un prof, un vrai voyageur). Ne désespérons pas.
Excellent article qui reflète mon opinion à ce sujet. Je ne sais plus comment m’habiller quand je visite pour échapper au troupeau…
T’habille pas !
C’est bon ça !!!! 🙂