Avant d’arriver sur l’île mais déjà en Grèce (j’attends le ferry), je lis ces mots de Walt Whitman : ” Je suis vaste. Je contiens des multitudes. ” Ces mots m’embarquent. Il faut être loin de la maison pour les ressentir. Se percevoir comme agrandi, grâce à la mer et la lumière. Je suis l’hôte de ce pays. (Merci mon hôtesse).
Il y a le premier bain à la petite plage du port antique : comme un baptême, une épiphanie, la première eau (sauf que le bébé est nettement plus au chaud dans le ventre de sa mère !). Et on sort de cette eau salée – comme les larmes car nous fûmes autrefois des animaux marins – plein d’énergie.
Toutes les îles sont différentes. Celle où je suis invitée n’est pas douce. Quoique… Comment nommer cette collision entre le tellurique et l’aquatique ?
Comment dire ces épousailles entre le ciel et la terre ? Comment parler de ces lumières uniques ? Du côtoiement entre tamaris et chardons ?
Ce que je sais, c’est que Tinos est la reine des nuages fous. Les cirrus, les stratus, les cumulus y prennent des formes étranges : c’est l’île du vent et il aime à jouer avec les passagers du ciel. Les moulins, eux, sont à l’abandon.
Tant pis si c’est cliché d’évoquer les pigeonniers mais il y en a de si beaux ! Certains sont encore très fréquentés.
À côté de ma taverne préférée, cette touchante apparition. Elle est bien cachée. Le mâle apporte des brindilles. Sans doute y a-t-il un nid.
Et toutes ces chèvres sauvages, les petits cavalant après leur mère ; ” mon ” âne Balthazar ; les insectes bizarres, les lézards parfois impressionnants. Les chats, bien sûr. Les oiseaux, plein d’oiseaux, ceux de la mer, ceux de la terre, les guêpiers insolents de beauté, les hirondelles… Ma tête est pleine d’oiseaux plus une alouette.
Les sensations physiques, les émotions que l’île me procure sont puissantes, poignantes parfois.
Quelle chance j’ai ! D’avoir cette amie qui vit là, qui aime vivre là, avec laquelle je partage tant !
Pleine de gratitude. J’ai le cœur serré quand je les quitte, l’île et elle.
Et, cerise sur le gâteau (ce qui explique cette vignette musicale un peu étrange ici), nous sommes toutes deux affamées de cinéma. Alors, le soir, quand nous n’allons pas regarder la pleine lune se lever sur Mykonos, nous choisissons un film. Et c’est ainsi que j’ai vu Poor things (Yórgos Lanthimos) qui m’a éblouie. Voici Bella (Emma Stone) qui découvre que l’on peut être émue. Qu’est-ce que c’est, une émotion ?
Scène bouleversante.