C’était vendredi. Oui, vendredi 28 septembre. J’avais choisi ce jour pour aller à l’océan : la température annoncée me convenait (26°) et celle de l’eau avait gagné un degré par rapport à mon précédent bain : de 18° on était passé à 19°. Parfait.
La veille, il avait fait très chaud… Comme une dernière journée d’été, un baroud d’honneur.
La route dans les pins, on passe le village qui porte le même nom que la plage et en est éloigné de quelques kilomètres. Il fait bon.
Soudain, à quelques centaines de mètres de notre destination, une fumée… enfin ce que je prends pour de la fumée. Un feu ? J’ouvre la fenêtre, aucune odeur. Non, c’est du brouillard. Un brouillard qui se densifie et glace l’air. D’abord, je suis abasourdie puis je fulmine !
Je suis habillée comme quelqu’un qui va se baigner… et en sortant de l’automobile, je suis saisie par un air glacial.
(La musique ici pour qu’elle vous accompagne… Dans les Brouillards de Leos Janacek)
C’est dans un autre monde. Vaillamment, je m’engage sur le sentier qui amène à la mer. L’odeur des immortelles est poignante. Je vois passer un faisan, enfin… je le devine.
Je croise des gens emmitouflés. Le silence est dense comme le brouillard. Cette blancheur est muette et froide.
Je ne vois pas la mer mais j’aperçois, ça et là, des corps enveloppés dans des serviettes, pulls en écharpes, des gisants…
Je ne sais plus où je suis. La mer est silencieuse comme si elle avait complètement disparu.
C’est un rêve désagréable. Je m’adosse à la dune et sort mon livre… mais je ne peux lire. Je ne comprends pas. Est-ce possible ?
Il fait froid. Je m’emmitoufle dans ma serviette de bain. J’insiste. Le brouillard, poussé par le vent du nord assiège tout, le sable, le ciel, l’horizon. Le brouillard s’assiège lui-même.
Le monde de coton froid qui s’empare de tout a raison de moi. C’est une sensation d’irréalité très forte comme lorsqu’on perd la raison, peut-être.
Des ombres quittent la plage. Moi aussi. Je me retourne, espérant que la mauvaise farce va se terminer, que je vais voir la mer étincelante, le sable doré… Mais non.
Seul un chien court enrobé de nappes blanches.
Au retour, en un clin d’œil, au même endroit où nous avions changé de pays, le soleil est là. Tout redevient normal.
J’ai rêvé. Mais je ne me suis pas baignée.
(Et comme j’aime tendrement ce compositeur et que ce morceau correspond très bien à l’atmosphère de ce moment, je vous propose une autre promenade sur le sentier…)
Si tu n’as pas rêvé c’est vraiment pas de chance ! La journée d’avant, le jeudi, c’était paradisiaque … je ne rajoute pas “bisque, bisque, rage”.
Mais ouiiii, je sais mais je ne pouvais pas ! Et ce n’était pas un rêve, enfin si genre cauchemar…
Oh si, venant de toi, le bisque bisque me fait marrer ! Quoique certains en disent, j’ai le sens de l’humour (mais pas avec n’importe qui).
Confirme pour le sens de l’humour, beaucoup d’ailleurs et du meilleur : celui fait pour, lourde valise aux pieds, voyager léger! 🙂
Merci, l’ami : j’ai quelques souvenirs de bons rires partagés. Et ceux à venir me font déjà marrer…
J’ai bien ri …. !
J’ai vécu vendredi… et presque chaque année ces variations stupéfiantes de climat ! Partir avec le maillot , la casquette, la serviette…. et arriver à la plage pour assister à la débandade grelottante dans la brume de mer.
Vendredi j’allais marcher avec des amis : j’etais partie en teeshirt tellement à la maison il faisait chaud, bref j’ai grelotté tout au long de la balade, en accélérant le rythme !!!!
Tu racontes ça avec maestria. On se croirait dans un conte fantastique !
Ah c’était complètement fou ! Passer si brusquement d’un paysage à un autre, une étrangeté totale. Plus la déception, bien sûr !
Air chaud chargé en humidité balayé par un courant d’air froid, dit mon camarade, très scientifique !
Mais avec octobre, peut-être, je pourrai encore une fois me plonger dans les vagues.
Pour le conte fantastique, j’ai tout le temps pensé à Nosferatu de F. W. MURNAU et au passage où il est dit (c’est un film muet des années 20) ” Et ils entrèrent dans le pays des ombres “. Alors, tu vois, tu as visé juste !
Et moi, j’ai ri en t’imaginant partant en balade et rencontrant aussi ce froid.
Personnellement j’aime beaucoup ce temps de brouillard sur la plage. J’ai des souvenirs en Bretagne Nord de baignade remise et ces dernières se sont transformées en longue rêverie poétique sur le sable. Vous avez formidablement traduit l’étonnement, puis cette douceur qui pénètre l’âme.
Alors pour la rêverie, d’accord mais pour la douceur… Pas vraiment. Sans compter que j’étais venue chercher ce soleil de septembre qu’on aime tant et sa lumière bien à lui. Je n’ai rien d’une bretonne, moi ! Suis née en Afrique du Nord ! Et si, avec l’âge, j’ai appris à aimer toutes les saisons et toutes les lumières, j’aime bien quand elles viennent à leur heure, qu’elles respectent un peu le calendrier.
Dernière chose : je n’aime pas du tout être couverte d’un tas de trucs, c’est lourd, les mouvements sont ralentis, on est comme des bibendum avec des chaussures énormes et des chaussettes assorties.
Ravie que le texte vous ait plu.
Je pensais à Angelopoulos, personnages perdus dans le brouillard, assez décontenancés mais sans inquiétude, presque rassurés de se retrouver dans ce cocon. Le brouillard me fait cet effet, comme les grosses chutes de neige, le bonheur d’être coupée du monde. Janacek leur va si bien…
Alors moi – comme tu le sais – beaucoup d’angoisse ! Coupée du monde : je veux bien mais je veux voir, entendre, toucher… Sinon, trop de solitude et de non-perçu.
Janacek : mon chouchou, ma douceur… Angelopoulos : un des princes du cinéma.