Les souvenirs des autres

Stupéfiants souvenirs

L’autre soir, je croise une femme que je reconnais immédiatement ! Lycée Camille Jullian, toujours première de la classe dans toutes les matières, brillantissime. Nous étions dans la même classe ensemble pendant deux ans, la 6ème et la 5ème. Elle et sa meilleure amie étaient énervantes tant elles étaient douées et modestes dans leurs triomphes. Je me plante devant elle et lui dis : “tu t’appelles … et on était au lycée ensemble.” Elle ne m’avait pas reconnue.
Je lui rappelle qu’elle était arrivée un matin sans ses cils : elle les avait coupés au ras de la paupière. Outre que cela lui faisait un regard étrange, nous étions sidérées d’un tel coup d’éclat : admiration renforcée.
Elle me raconte alors le souvenir qu’elle a de moi : il m’arrivait de me planter au milieu de la cour et de crier “MARRAKECH ! MARRAKECH !”… Je suis sans voix : je n’ai aucun souvenir de ça et pourtant ma mémoire des ces années là est foisonnante et précise. Du moins le croyais-je. Elle ajoute qu’elle sentait une sorte de détresse de l’exil et que cela lui fendait le cœur : nous avions onze ans.

Ainsi va la mémoire : pour un même temps partagé, des perceptions si différentes, des impressions (au sens d’imprimé) aléatoires, des sélections subtiles. Même – et surtout ? – dans une fratrie, un tronc commun sur des faits, des dates, des évènements ; mais pour les ressentis, c’est une autre histoire. Je dis souvent à ma sœur que nous n’avons pas eu les mêmes parents.
Je propose des photos (merci Pascale Muron) qui n’ont rien à voir, où il n’y a rien à voir que l’éloignement jusqu’à la disparition. Jusqu’au surgissement d’un nouveau passé, un jour, au détour d’une rencontre fortuite…

Océan 1

Un passé inconnu vous bouscule : est-ce le vôtre ou celui de l’autre ?

Océan 2

Tandis qu’à l’oubli on voudrait se rendre.

Océan 3
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