Voici que sont partis sans laisser d’adresse, 2 jeunes filles de 97 ans, l’une grecque, l’autre égyptienne et un jeune homme borgne acteur de son métier.
Jacqueline de Romilly : elle est allée retrouver Sophocle, Euripide et tous ses autres amis : elle a bien mérité de se reposer un peu avec ces soixante dix années de combat, d’autant que plus la cause est perdue, plus la lutte est éreintante ; jugez vous-mêmes : sauver les Humanités ! Continuer d’enseigner le grec et le latin (surtout le grec), quelle chimère ! Notre culture a une dette envers la Grèce ancienne, scandait-elle, puisque nous lui devons les modes de pensée qui fondent notre Europe (la démocratie, par exemple).
Bon, Europe, démocratie, ce sont de grands mots, tout ça. Elle disait aussi Vulgaire : qui n’a pas fait l’expérience de la beauté, voilà comment les grecs définissait le mot.
(belle) photo Olivier Roller
Et puis s’en est allée rejoindre Ramsès et Toutankhamon, aussi à 97 ans, Christiane Desroches Noblecourt, première femme égyptologue qui s’est battue avec acharnement elle aussi : pour sauver les temples de Nubie, entre autres combats.
L’entendre parler du Scribe qui est au Louvre est vraiment une expérience inoubliable. Femme de terrain, la dame qui a tant écrit sur ses héros et héroïnes, une passion pharaonique !
Et puis, juste une dernière chose – je cite, bien sûr – me faut un homme dans ce catalogue de disparus et c’est Peter Falk qui pointe son museau de 403… Mais pas que Columbo, le monsieur : il est aussi l’immense mari de Gena Rowlands dans Une femme sous influence de son ami Cassavetes (voir photo). Il est aussi l’acteur capable d’improviser deux heures de monologue pour Les Ailes du désir . Oui, un personnage, toujours juste et attachant.
J’en parle au présent : bon vent, bon voyage, bonne éternité.