Faust Beaucoup de Gounod dans l’œuvre de Wharton
On peut répandre la lumière de deux façons : être la bougie, ou le miroir qui la reflète.
Elle aime écrire, la petit Edith Jones et elle est douée d’une imagination et d’une intelligence exceptionnelles. Très vite, l’américaine va dénoncer l’hypocrisie de la haute bourgeoisie dont elle est issue, les carcans minables de l’éducation impeccable et le snobisme qui peut tuer. Dans un langage au scalpel, sans aucun lyrisme, l’écrivain assène sa clairvoyance. C’est cruel et beau. Beau comme le luxe et le raffinement des intérieurs, des toilettes, des objets.
Dans Le Temps de l’innocence, c’est la nécessaire restauration d’un ordre de caste qui s’impose. Et Julia Kristeva a beau dire Étrangement, l’étranger nous habite : il est la face cachée de notre identité […]*, l‘étrangère qui par sa différence, fait risquer au groupe la désintégration doit être absorbée, résorbée, anéantie en douceur. Mais le “vivre entre soi” est létal autant que peut être dangereux d’accueillir l’étranger. Dans cette société ne soyez pas qui vous êtes (déjà, il faut le savoir !) ou qui vous voudriez être, soyez celui ou celle que vous DEVEZ être !
Si Isabel ARCHER est l’héroïne de Portrait of a lady d’Henry James, le héros de Le Temps de l’innocence s’appelle Newland ARCHER. Salut de la cadette au grand et admiré aîné ? Et dans le film de Scorcese, c’est Daniel Day Lewis ! (cf. le billet du 2 juin 2010 sur ce monsieur).
De l’autre côté de l’œuvre, Ethan Frome (ah, le choc de la première lecture !) et Été où rudesse, isolement et pauvreté irradient personnages et paysages.
Le dévoilement tue : toute son œuvre est une variation sur ce thème. Toute la souffrance à vie, à vif, du manque d’amour d’une mère belle et cruelle : c’est là qu’Edith Wharton est allée puiser la force de vivre en rebelle à sa classe, d’écrire – et comment ! – dans cette ligne et ainsi, comme le fera Virginia Woolf de presqu‘atteindre la liberté de femme-écrivain.
* Julia Kristeva, Étrangers à nous-mêmes