Le congélateur de Jorn Riel

Jorn-RIEL.jpg

Ma vie est un “racontar”. Un racontar, c’est une histoire vraie qui pourrait passer pour un mensonge. À moins que ce ne soit l’inverse ? Qui sait ? Certainement pas moi ! J’entends l’autre jour sur ma station de radio préférée un jeune homme danois de 80 ans dont 16 passés au Groenland. C’est arrivé comme ça : il y a longtemps, après une école de navigation, il est bombardé directeur d’une station scientifique de 2 personnes, lui compris, et 16 chiens. Il y programme des soirées littérature avec une bibliothèque contenant trois ouvrages sur la télégraphie. Il endort son public, un Eskimo illettré. Il décide d’apprendre la langue – que Paul-Émile Victor parlait très bien – et d’écrire sur les autochtones et ainsi les intéresser… Tanquerelle-Bonneval.jpg J. Riel mis en dessins par Tanquerelle et G. de Bonneval

Les titres de ses nouvelles et contes sont des trouvailles : Un récit qui donne un beau visage, Le piège à renards du seigneur, Le jour avant le lendemain etc.

Le conteur – je raconte, dit-il – en a à raconter sur les truculents trappeurs, les ours affamés, escrocs et chamans en tous genres…

À Tulé, il décide un jour qu’il va aller voir le vaste monde : Syrie, Liban, Jordanie, Égypte, Pakistan… mais il se languit de son Groenland. Vite, retour au “congélateur”.

Plus tard, la soixantaine venue, il a envie d’aller se décongeler ; après “en avoir parlé avec sa digne épouse”, il part en Malaisie et y vit depuis, même s’il ne s’y sent pas du tout chez lui. De toutes façons dit-il, aujourd’hui, on ne voyage plus, on se déplace.

Moi j’ai eu la chance de ne pas avoir souvent besoin de recourir aux services de la médecine, sauf récemment, où on m’a changé un ventricule du cœur. – Oui, mais vous n’étiez pas au Groenland. – Non, c’était à Singapour. Et on m’a mis à la place du ventricule un petit morceau de bœuf. Depuis mes petits-enfants m’appellent Sitting Bull.

J’aime beaucoup Jorn Riel, bonheur de littérature à la fois populaire et savante, malicieuse et profonde ; la glace conserve : voyez les mamouths.

Le monde aurait besoin d’être eskimoïsé disait Charcot

Tout Jorn Riel est publié chez Gaïa, l’éditeur aux pages roses et chez d’autres.

P.S. : je n’ai pas pu mettre la petite barre en travers du O de Jorn.

Pour l’orthographe d’Eskimo, terme qui précède celui d’INUIT, on trouve TOUT : j’ai fait au plus simple

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Brrrrrrrrrrrrrr et Aglagla
Brrrrrrrrrrrrrr et Aglagla
il y a 12 années

CCe sont les explorateurs et les colonisateurs qui ont nommé les Inuits “Esquimaux” c’est-à-dire “mangeurs de viande crue”. Pas besoin d’extrapoler beaucoup pour imaginer la connotation
péjorative de barbare qui pouvait lui être accolée. “Inuits” était le nom qu’ils se donnaient à eux-mêmes en tant que peuple et signifie “les hommes”. Juste retour aux origines. 

Et ce qui d’ailleurs est assez étonnant c’est que la plupart des tribus, dans tous les points du globe, se désignaient par un nom similaire “les hommes”, “les êtres humains” avec souvent un sens
superlatif (les vrais, les meilleurs, les hommes par excellence, etc.)…. A priori, chacun se pense le meilleur représentant de son espèce…

TempesduTemps
TempesduTemps
il y a 12 années

Oui, de nombreux peuples se nomment eux-mêmes “humains”… ce qui est simple et beau. Manouches, qui est proche de manushya, qui signifie homme, être humain en
sanskrit et en hindi, et qui vient du romani mnouche
signifiant aussi « homme ».

Levi-Strauss disait “le barbare est celui qui croit en la barbarie”

Brigitte giraud
Brigitte giraud
il y a 12 années

Ma vie est un “racontar”. Un racontar, c’est une histoire vraie qui pourrait passer pour un mensonge. À moins
que ce ne soit l’inverse ? Qui sait ? Certainement pas moi !

Qu’est-ce que c’est chouette, ça. Et moi qui ne sais plus que dire…

TempesduTemps
TempesduTemps
il y a 12 années

Oh toi tu dis beaucoup… sur les autres ! Il n’y a qu’à voir tes films, ton engagement auprès des humains. Et tu en connais un bout sur le récit, qui est histoire vécue et vraie de l’intérieur.

Merci pour les beaux moments passés avec tes images et le son de ce duduk. Ça ne ment pas, ça

horus
horus
il y a 12 années

Chaque fois que l’on me parle de Jorn Riel, je pense à Chaplin dans La Ruée vers l’or. Ce type raconte des histoires (drôles) qui se passent dans un pays (ça ressemble même pas à un
pays) où rien n’existe que la neige et la glace (côté couleur, on fait plus riche*). La description des paysages ne prend donc pas beaucoup de place (je le signale à certains lecteurs qui sautent
ces passages). Mais bien sûr, pour nous, c’est cet exotisme radical qui fait que tout ce qui se passe là est extraordinaire. Sur ce rien infini, où les distances et le temps sont sans repères,
l’homme prend forcément toute la place… que lui laissent le froid, le vent et… l’ours. Et c’est pas triste !

* Oui, je sais : il parait que les Inuits disposent de dizaines de mots différents pour décrire la couleur de la neige, mais moi, je ne suis pas Inuit.

Petite séance de rattrapage (je peux pas m’en empécher) : on ne dit plus Eskimo mais Inuit pour désigner des Amérindiens du nord de l’Amérique et du Groenland. Le Canada a même créé pour eux sur
son territoire une nouvelle province : le Nunavut. Les Lapons sont eux en Scandinavie, au nord du cercle polaire (on parle aussi des Samis).

TempesduTemps
TempesduTemps
il y a 12 années

Chouette, il y avait du Chaplin dans le blog précédent (sur l’OR) et extrait de La Ruée, justement !

Votre description du pays – le Groenland, je précise – et des histoires de J. Riel sont complètement justes. Et c’est si drôle, parfois ! (L’ours sur la cabanne qui attend que les chasseurs
sortent, c’est dans quel livre, déjà ?)

Pour l’hisoire des Inuits, voir ma réponse à S. Quimau. Merci de vos précisions, cher ami.

S. Quimau
S. Quimau
il y a 12 années

A propos, pourquoi tout d’un coup les esquimaux sont ils devenus Inuits? Non mais, avez vous jamais entendu au cinéma proposer “bonbons, caramels, inuits, chocolat”??

TempesduTemps
TempesduTemps
il y a 12 années

C’est toujours un peu la même histoire : ou comment en nommant différemment, on pense changer le statut (voir nègre, devenu noir, puis afro-américain aux States). Dans les années 70 (1970),
certains militants nord-canadiens ont dit que le terme esquimo était insultant pour des raisons de signification en langue micmac (yes, monsieur Kimo, micmac). Alors, on
a glissé vers du plus linguistiquement correct.

De toutes façons, au cinoche il n’y a plus que du pop-corn, maintenant ! Nostalgie…

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