Sur une plage. Arrivent une jeune femme et son enfant, un petiot d’une quinzaine de mois. L’âge où tout est nouveau puisque si ça se trouve il n’a jamais mis les pieds dans le sable… Et je vais assister, effarée, à une heure d’harcèlement de l’enfant par la mère. Pas une minute, elle ne va le laisser tranquille : et que j’t’enlève ta couche (!) et que j’te montre comment on joue avec le sable et que j’t’empêche de trottiner à plus d’un mètre cinquante de moi, et que j’te remets une couche (génial dans le sable, une couche) que j’enlèverai dans 10 minutes. C’est sans fin et sans un sourire. J’ai envie de crier : Laisse le, ton petit ! Ce n’est plus de la sollicitude. C’est de l’acharnement. Quelque chose cloche vraiment dans le comportement de cette femme. Je ne suis pas dans le jugement : je vois. Elle s’occupe de lui. Elle ne le regarde pas, elle fait.
Et je repense à un texte magnifique de W. R. Bion sur la rêverie maternelle, concept très proche de celui de préoccupation primaire maternelle de D. W. Winnicott : les deux grands de la psychanalyse disent que c’est la mère qui, par sa capacité de rêverie, dans un état de réception quasi physique des ressentis et besoins de l’enfant, c’est cette mère qui va permettre à l’enfant de symboliser et de développer son imagination et sa capacité de penser. C’est mal dit (par moi) mais en gros, c’est ça.
ci-dessus, J Sorolla Mère et enfant
Je me demande quelle mère j’ai eu et c’est une encore plus mauvaise question, je me demande quelle mère j’ai été…
P.S. : pardon, mille fois pardon aux amateurs (le mot est faible) de Bobby Lapointe pour la chanson des poissons que nous savons tous par cœur, mais j’ai trouvé cette interprétation illésistible. J’ai failli aussi vous proposer Fais pas ci, fais pas ça de Jacques Dutronc mais la japonaise a gagné !
Encore un bien joli billet.
La photo de jeune enfant est une merveille…Tout est grâce.
Oh merci beaucoup pour cet excessif compliment ! J’ai pensé à Leonard Cohen qui après avoir pianoté
quelques notes assez simples au tout début de Tower Of Song du Live In London reçoit un enthousiaste hourra du public, auquel il répond un « thank you, you are very kind… ».
Mais pour répondre sans ironie à cette amicale proposition de pages à partager, et ce quoique ma croissance sous toise soit à jamais arrêtée, voire pas commencée…, je suis preneur !
Une idée pour commencer sera le parfait alibi pour me sortir enfin la tête du boulot et de sa croissance à lui, tout économique, donc non économe de ses petits employés…
Bise. Ph.
Cette Mme Noriko Kato, La maman des poissons mangés cru en son pays, fait grand effort pour contourner ce « r »
du français considéré comme impossible par ses concitoyens, voire déloyal quand tout, des règles de grammaire en général aux expressions courantes en particulier est parfaitement
restitué…
(quoi qu’il en soit, de moins en moins s’y frottent. La langue, la culture a beaucoup perdu de son lustre au Japon depuis 15 ans…)
De ce rivage, une autre mère: celle de ce billet, parfaitement décrite en son sable château, qui redouble d’effort avec ciment “pour-ton-bien-mon-chéri”…
Merci pour le coup de projo.: on y est, on se souvient !…
Ah qu’il est tendu cet arc d’un corps à l’autre, parfaitement synchro, parfaitement solo ! L’amour même, du moins en son enfance, en son envers à réfléchir.
Voilà mon ami avec son œil de photographe : il l’a vue, la proximité tendre avec son reflet et son “envers”. Merci de ton regard acéré. Et merci aussi de ton oreille si familiarisée avec le r du
japon qui est tantôt jota, tantôt L… Je me souviens du “arrête la machine” d’une certaine Tomoko qui devenait “ajète la masine” totalement hilarant ! Merci enfin pour ton style, reconnaissable
par sa finesse et son acuité, sa broderie au petit point. J’aime te lire. Quand on sera grands, on fera un livre ensemble, d’acc ?
Le lumineux Sorolla est, lui, totalement dans la sollicitude et l’enfant tétant la statue est irrésistible. Quel amour de l’art, il va développer celui-là plus tard ! Surtout toujours se dire que
l’on a été “une mère suffisamment bonne” (Winnicott) …
J’aime tout dans ce tableau, la fraîcheur et la tendresse, l’air qui vibre. Sorolla, nous l’avons complètement dévoré à Madrid et j’en suis encore éblouie ! Tu as raison, Véronique, le
“suffisamment bonne” du bon Winnicott est plein de (bon)sens, un baume au cœur.