Le paysage dans l’œil

L’œil d’une demoiselle
Les paysages dans l’œil ou le regardeur regardé
On a des paysages dans les yeux.

Ils sont là, imprimés. Au bout d’un moment, ils passent derrière, dans une zone indéfinie, une mémoire spéciale, rien que pour eux. Tout dépend de l’œil touché, atteint, capté et capteur. Tout dépend du regardeur.

2014-05-J-par-K.jpg

Photo C. Destandau

D’abord, le dessin, l’ourlet de la paupière, les cils et le petit grain de beauté bien centré. Puis dans l’iris, au milieu de toutes ces courbes, l’encadrement de la fenêtre et le paysage contenu. Ce ne peut être que le reflet. On a envie d’y voir le décor que voit l’œil. Mais l’œil fixe le photographe et le photographe n’est pas un paysage. Quoique…

Maintenant dans nos yeux, l’œil et le paysage. Mise en abyme que vous perpétuerez.

Plus difficile : le modèle de la première photo – celle au grain de beauté – me supplie de faire figurer dans ce billet la photo ci-dessous à gauche. Elle argumente très serré :  ” Mais si, il l’a lui aussi, le paysage dans l’œil ! ” Il s’agit de l’œil d’un très bon amAnakin-eye2.jpgi.  Voici donc ” le paysage dans l’œil d’Anakin ” [Ouf ! Mission accomplie. Amie d’Anakin comblée]

Les paysages, pourtant statiques, deviennent voyageurs. Exposés, montrés, vus, ils passent d’œil en œil et vont aussi dans la mémoire de qui les voient. Ils en ont du travail, ces paysages !

Et, j’ignore pourquoi, comme un paysage ancien, me vient cette phrase de Joël VERNET :

[…] Écrire ne vaut que pour le chant de la vie invisible, engluée dans la terre, mise sous le boisseau. Écrire délivre peut-être de telles voix. C’est sans doute cela l’espérance d’écrire : ouvrir vers l’infini, vers l’impossible, vers l’inconnu, entendre battre le cœur des silhouettes. (les italiques sont voulues par l’auteur)

in Celle qui n’a pas les mots – Éd. Lettres Vives (Entre 4 yeux)

Un petit bonus : les yeux du premier générique du Cinéma de minuit – Musique Francis Lai

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Brigitte Giraud
Brigitte Giraud
il y a 9 années

Les silhouettes… Est-ce que je vois existe vraiment ? Et puis s’étonner de la vie qui bat, de tout ce qui bouge, s’imprime en nous, le mystère que c’est. Ce que fait peut-être le photographe,
saisir ou essayer de saisir le mystère de la vie, ce qui ne sera jamais totalement atteint, mais juste approché tellement bien approché parfois qu’il ouvrira sur un autre, l’imaginaire, le désir,
le fragile, le rêve…. Bravo au photographe, absent c’est vrai de la vraie fausse mise en abyme, mais on le sent là, hé hé !

TempesduTemps
TempesduTemps
il y a 9 années

Fixer le fugace… ouvrir la voie à d’autres vies encore, d’autres vues, d’autres intériorités, tous les possibles dans une image comme tous les poèmes dans un mot,l’ultime note.

Je transmets au photographe, acteur invisible, passeur précis de ses visions. 

Christine
Christine
il y a 9 années

Voilà pourquoi je n’écris pas, j’ai figé mon paysage intérieur jusqu’à le rendre immuable, à ce qu’il devienne moi.

TempesduTemps
TempesduTemps
il y a 9 années

Comment ça, tu n’écris pas !? Et puis, ” figé ” n’est pas un mot qui convient, d’après ce que j’ai pu voir et comprendre… Mais il est vrai que tu parles de ton paysage intérieur. Ça m’étonne
quand même. Jusqu’à ce que TU deviennes LUI, peut-être…

On en parlera, peut-être aussi parce que j’aime beaucoup l’idée des personnes-paysages.

horus
horus
il y a 9 années

En réalité (!), la mise en abyme est incomplète : manquent l’appareil photo et, à travers lui, le responsable de tout, le photographe, le voleur d’image. Heureusement pour lui, il n’apparaît pas
dans l’oeil. Pourtant, il y est, le regardeur regardé…

Mais qui regarde qui ?

TempesduTemps
TempesduTemps
il y a 9 années

J’aime le point d’exclamation après le gros mot : RÉALITÉ ! Peut-être un gros ? aurait été bien aussi.. Mais il est vrai que le troisième larron de l’histoire (photo de l’œil et
dans l’œil, le paysage etc…) et non des moindres, c’est celui qui déclenche. Et on tire le fil de l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours. Mais non !!! C’est un poney.

Histoire jamais élucidée du regard.

véronique
véronique
il y a 9 années

 

« Il en va de même des pays et des
paysages. Sans l’œil qui les regarde, existeraient-ils ? »

Michel Tournier, Journal
extime

 

Et les paysages intérieurs ? Est-ce avec les yeux ou avec le coeur que nous les voyons?

TempesduTemps
TempesduTemps
il y a 9 années

C’est avec les yeux du cœur, tu sais bien, ceux qui jamais ne sont myopes…

Jolie phrase, vraiment, celle de Tournier… Ça existe sans nous, bien sûr, mais nous sommes les relais, si possible, éloquents et vigilants.

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