Le Grand Théâtre de Bordeaux… un lieu ! Je ne suis plus intimidée mais je l’ai été, je me souviens.
Un tiède soir d’automne. Chic, nous sommes bien placées, près de l’allée centrale, au 10ème rang, à peu près ! Brouhaha, toussez, braves gens, toussez maintenant parce qu’après… surtout avec la toute feutrée sonorité du quatuor ! Je ne m’y suis jamais habituée, cela m’émeut toujours autant, cette ténuité, cette fragilité apparente, cette grâce qui tient en équilibre, qui tient à quelques cordes… Pour moi, la formation de rêve.
Ils arrivent, portant leur instrument bras légèrement plié.
Déjà, c’est beau. Tout ce silence apprivoisé, précieux, celui qui précède les moments importants, à la fois très fin et immense.
On inspire… et c’est parti, les regards croisés, les archets qui glissent et sautent, une tension palpable : la MUSIQUE.
Cuarteto Casals.
Elle, elle lévite, jamais vraiment assise, ascensionnelle. Ils sont tous les quatre de l’autre côté, à l’intérieur d’eux-mêmes et reliés entre eux par un fil invisible. Perdus derrière leurs yeux, présents juste pour déposer dans nos oreilles, là, au creux de nous, l’incroyable beauté de la musique. C’est indescriptible. Je m’arrête là.
Il faudra juste les regarder, car pas moyen de trouver sur la toile de la musique jouée par eux ! scrogneugneu, que c’est pénible quand ça ne marche pas, j’ai beau lui expliquer que c’est pour vous l’offrir, rien à faire ! Bon rien ne sert de râler. Si vous avez l’occasion, écoutez leur version du quatuor n°4 de B. Bartok : c’est à tomber ! Ils nous aussi ont joué La Jeune fille et la mort : voilà l’andante con moto par L’Enesco Quartet. C’est malin ! (n’empêche, c’est beau à pleurer, pour toujours !) Madame Yo, merci.
Bien sûr, Claire, que nous avons passé un moment dans l’attique. J’ai à la fois découvert le lieu et le mot à cette occasion. Il était décoré de costumes d’opéra, et tout près de la nuit étoilée,
comme une récompense à l’auditoire du Paradis lors de l’entracte.
Et bien sûr je vous ferai signe à tous si je passe à Bordeaux.
Et non je ne suis pas uniquement branché quatuor (pas de fixette d’aucune sorte… – rires!). Tout me plait dans ce qu’on place commodément dans Le Classique.Les pièces orchestrales, le
lied, le piano seul mais surtout toute la musique de chambre possible ainsi que l’opéra.
Au printemps, dans la voiture, à la maison, c’était Idoménéo (et son quintette en perfusion!), cet été c’était le quintette pour piano de Schumann, puis son 3e quatuor. Et en cet automne débutant
rien de très net. Plutôt du Jazz… l’album Ramblin’ de Michel Bénita à la contrebasse et Manu Codija à la guitare, ou le très beau, très doux et très peu dérangeant (de temps en temps
ça fait du bien…!) Jasmine du duo – là encore – K. Jarrett/C. Haden. Et puis on se prépare depuis des mois à la représentation des Noces de Figaro (du moins j’y prépare mon
fiston de 14 ans) dans le reprise de la mise en scène de GIorgio Strelher, créée à Versailles en 1973 puis maintes fois donnée à Paris. Sans les décors originaux, qui n’existent plus, mais seront
remplacés par ceux de Milan.
Pour finir je suis heureux que la (toute) petite peinture bleue vous plaise. Les autres en sont des détails, extraits et agrandis, toujours flateurs… C’est même un procédé
utilisé pour les affiches d’exposition.
Bon, prochaine visite à Bordeaux, l’Attique obligatoire, vous ferez le guide !
C’est vrai que nous avons des saisons : la mienne est très schumanienne et je passe aussi beaucoup de temps avec Britten chanté par Ian Bostrige : c’est lumineux !
Quelle chance vous avez pour Mozart et ses Noces ! ça doit être quelque chose la mise en scène de Stelher… à quand un petit compte-rendu ?
Peut-être flatteur, l’extrait agrandi, mais drôlement fin et touchant…
Voilà qui me rappelle très agréablement la semaine passée au mois de mai à Bordeaux pour le concours international de quatuor à cordes, justement.
Vous décrivez bien le début du concert, Claire. Cet instant où l’attention est extrême, où même dans la salle on respire un peu différemment. Et puis ensuite “vogue le navire…!” Tout peut
arriver, et on ne revient pas en arrière. C’est un beau voyage qu’un concert réussi.
Ce Grand Théatre est un bâtiment magnifiquement mis en valeur. J’apprends à le connaître un peu plus à chaque (trop rare) fois . Au fait, en connaissez-vous l’attique? (Ceci est
une mini-colle!)
J’espère que nous le parcourerons de concert un jour, avec notre amie commune. À l’entracte, si bien éclairé. Peut-être lors du prochain concours. (Hélas, trois ans à attendre…!).
Je voudrais – pour terminer – saluer et louer le commentaire d’Horus. Et dire à ce dernier qu’il n’y a absolument rien d’excessif dans son propos. Que bien au contraire j’y retrouve toute
l’essence et les fondements du quatuor à cordes.
Ah… j’attendais votre commentaire, Pierre et je ne suis pas déçue ! Grâce à vous, j’ai appris ce qu’est l’attique et me débrouillerai à aller le visiter : ça a l’air très beau ! L’avez-vous vu
vous-même ?
Faites signe si vous revenez à Bordeaux : êtes-vous uniquement branché sur le quatuor ? Il y a parfois dans les foyers des petits bijoux de concerts le dimanche matin. Lesquels foyers sont
superbes aussi ! (j’y ai vu et entendu Christophe Coin et Patrick Cohen… et d’autres).
Horus saura prendre ici ses louanges bien méritées.
Dernière chose : vos peintures sont superbes, Pierre,vraiment. Ah ce bleu Klein, quelle merveille !
C’est sûr qu’un concert dans le hall de gare en béton qu’est la salle Victor Hugo, même à l’acoustique artificiellement travaillée, ne peut se comparer à l’écrin précieux qu’est la salle du
Grand-Théâtre. Le décor, bien sûr, participe du plaisir. Ces ors et ces velours, authentiques mais d’un autre âge, créent ce qu’il faut de décalage temporel pour nous fragiliser et nous préparer
à l’extra-ordinaire qui nous attend. Mais surtout, l’acoustique si particulière de ces salles qui invite à la discrétion et à l’humilité. Nombreux sont d’ailleurs les auditeurs que la qualité de
ce silence met mal à l’aise et assèche la gorge…
Les quatre fois quatre cordes montées sur des boîtes à cigares sont toutes désignées pour un tel espace. Leur délicatesse, le grain subtil du frottement des archets, l’intimité de leur
conversation ne peuvent s’exprimer ailleurs. Avec le quatuor, nous sommes dans la quintessence de la musique. Chaque phrase, chaque note, chaque silence sont portés aux nues. Ici, pas
d’esbrouffe, pas de “gras”, la musique est condensée à l’essentiel. Chaque instrumentiste a son discours mais ce discours n’a de sens qu’inserré dans celui de ses partenaires, ce qui impose une
intercommunication permanente quasi télépathique. Il ne suffit pas d’être un excellent musicien, encore faut-il s’accorder avec ses partenaires, être dans le même état d’esprit qui est celui du
groupe. Nous savons comme il est difficile de réussir une vie à deux, imaginez à quatre… Car il s’agit bien d’une vie ! Certaines formations ont vu leur composition changer dans leur longue
durée, d’autres ont préféré se dissoudre faute de pouvoir imaginer le remplacement d’un des leurs disparu. A moins que cela n’ait été le seul évènement capable de détruire leur cohésion…
Tout cela est un peu excessif. Je voulais juste dire mon enthousiasme pour le quatuor et je me suis encore laissé aller…
J’imagine La Jeune fille et la mort au Grand-Théâtre… Veinarde Claire…
Les lieux entrent en bonne part dans la préparation à recevoir ! Même si ça ne fait pas tout (souvenez-vous de Raul Barboza dans cette espèce de placard à balais au fin fond de nulle part !), ça
“met en jambes” !
Vous parlez très bien, cher Horus, du miracle du quatuor : c’est vrai : que le nerf et le muscle, peut-être même l’os ! Et vous parlez d’expérience, je le sais bien.
Laissez vous aller : c’est une valse et on danse dans sa tête, parfois.