Il y a longtemps que j’ai envie d’écrire sur le travail. Ce qui m’arrêtait, c’est que je n’avais envie de parler que de “souffrance au travail” ! J’avais (ah, cet imparfait, ce parfait imparfait) un métier passionnant, que j’aimais faire, qui exigeait et compétences et créativité ! Mais qu’est-ce que j’ai souffert ! Ce n’est pas mon travail qui m’a fait souffrir : c’est les conditions dans lesquelles je l’ai exercé : des décisions prises par “en haut” montrant l’éclatante ignorance de ce que je faisais, décisions relayées par des agents soumis n’en questionnant jamais le bien-fondé ! La question du SENS bafouée… Des noms ronflants qui remplacent le contenu, des chiffres, des stats inutiles et chronophages.
Est-ce mon seuil de tolérance qui a baissé ou bien y a-t-il eu réelle dégradation au fil du temps ? La déferlante du MANAGEMENT, les objectifs, tout un vocabulaire précédant, escortant, régissant une GESTION. Voilà, vous savez bien qu’on gère même les émotions, maintenant. Et puis, en vrac parce que la colère revient : le népotisme (incroyable, ce qu’on voit) où les dirigeants placent un personnel soumis, non qualifié, vidant de toute substance les missions d’un service, les viles flatteries de valets aux maîtres, des exploitations de la peur, la déqualification de la souffrance dans ce qu’elle peut avoir de mental, dit Christophe Desjours.
Alors, contre tant de violence, on met en place des défenses, mais dit encore Dejours, il y a un effet “pervers” de la défense. Finalement, elle devient tolérance excessive à la souffrance, et d’une certaine manière elle conduit à l’aliénation. Les défenses se retournent et font des agents des complices de la souffrance .
Et puis, – je suis intarissable – il y a l’évaluation. Je cite encore Dejours : son utilité principale est de faire peur aux gens. C’est une menace, on évalue n’importe quoi. Il y a peu de choses que l’on sait évaluer, l’évaluation est complètement arbitraire. Dans la recherche par exemple, on passe son temps à s’évaluer les uns les autres. Chacun son tour prend la position de l’évaluateur et ensuite peut exercer des représailles sur celui qui précédemment était à la place de l’évaluateur. Les gens produisent eux-mêmes les informations nécessaires à leur évaluation, puis saisissent les in-formations, les mettent dans des ordinateurs…
Je vous jure : c’est du vécu. Ma vie professionnelle ne fût pas que souffrance : il y eut de belles rencontres, des moments de joie intense quand “ça” avançait bien. Mais, parole, ça n’était pas grâce à “eux” !
Excusez le désordre de ce billet, mais c’est une urgence ! Portez-vous bien !
J’ai lu, il y a quelques jours Les heures souterraines, de Delphine de Vigan: on est en plein dans le sujet! Le personnage de Mathilde est émouvant; on ferme le livre , on a envie de pousser des hurlements! Broyée, cassée, elle ne peut plus être…
J’ai la chance, dans mon métier, d’échapper à tout ce jargon et d’avoir la liberté d’entreprendre ” le gai savoi”r! C’est une chance que je mesure, chaque jour, malgré… tout le reste! Rires!
Les coups de gueule, c’est comme les coups de coeur, ça donne un supplément d’âme!
Amitié et profitez des vagues. Elles chassent le blues…
Alors, il parle ce livre de D. de Vigan ? Combien de gens broyés ? Qui s’en sortent par la dérision, l’autodérision ? Ne s’en sortent pas au fond… Ah oui, ça peut vraiment tuer, cette affaire
là ! Profitez de votre “gai savoir”, c’est plus qu’une chance : c’est un luxe;
Ma chance à moi est de pouvoir partager coups de gueule et coups de cœur… Alors si en plus, il y a les vagues, plus de vague à l’âme.
Merci, Merbel
tant qu’on continuera de parler, avec la satisfaction du manager qui sait de quoi il cause “et qui a les yeux fixés sur ses indicateurs de performances (sic), de “gestion des ressources humaines”(beurk), qui n’est qu’un euphémisme pour exploitation de l’homme par l’homme”, ça n’ira pas en s’arrangeant.
Tu vois, ce vocabulaire incroyable… ARGHHHH le DRH, quel homme peut “diriger les ressources humaines”
Mais le parler reflète, incarne la pensée. C’est le vocabulaire qui suit la chose, par l’inverse, non ?
Quand c’est qu’on va casser des choses, dis ? Ou quand c’est qu’on envoie ch… tout ça et qu’on laisse, faute de pouvoir stopper, les requins manger les petits poissons ?
Quel coup de gueule ma “Rebelle”.
Oui, après tant d’années à subir, à ronger son frein, à endurer sans se résigner, en avoir mal au coeur (sens propre et figuré), il fallait que tu le jettes ce cri longtemps étouffé même en
“désordre-billet”. C’est ce que l’on appelle un exutoire n’est ce pas?
Troublant, la Patrouille de France vient de passer au-dessus de la maison comme pour saluer ton courage, ta vaillance…
Allez, maintenant tu vas pouvoir remplir tes jours et nuits (pas trop) d’écriture, de lecture, de musique, d’ami(e)s. J’ai envie de lire “Comment faire 35h. en un mois”. J’aime beaucoup le duo d’Isabelle Boulay et Julien Clerc “Travailler c’est trop dur”. Gardes toi bien à ++
Nana, j’ai rectifié le billet et j’ai été obligée d’en changer la musique : la video d’alors est maintenant introuvable ! J’espère que tu aimeras la nouvelle version !
Oui, j’étais, je suis en colère… Mais de ces mauvaises colères sans issue. Bon, je me suis baignée hier dans l’Océan et ça, ça CALME ! Parce que les vagues que j’ai vues hier, le patron et ses
sbires, z’étaient de crottes de mouche, à côté !
Cet automne est magnifique ! Bonnes pensées à toi, la the Nana !
Je te rejoints complètement quand tu signales que ce n’est pas un travail en tant quel tel qui est facteur de souffrance (car je distingue également la pénibilité d’une tâche de la souffrance
morale engendrée par le contexte professionnel), mais bel et bien les conditions dans lesquelles nous exerçons.
De même, aujourd’hui, que l’on soit employé dans le privé ou dans un service public, je crois que l’immense majorité d’entre nous reconnaîtra dans ta description du management celle qui a cours
dans sa propre entreprise.
Pourtant, même si personne ne peut justifier un tel système lorsque ce sujet arrive sur la table lors d’une conversation (y compris par des “dirigeants”), néanmoins nous laissons faire et eux,
les “décideurs”, continuent à appliquer ces méthodes comme si de rien n’était.
A bientôt.
J’ai vu des personnes essayer de résister… même accompagnées par les syndicats, elles étaient balayées par des arguments stigmatisants, du genre ” vos méthodes sont dépassées “, ” nous parlons
résultats “, ” travaillez avec les moyens qu’on vous donne : c’est ça la rentabilité !”. Résister seul, c’est quasiment impossible. Comme le dit si bien C. Dejours, ce sont nos défenses qui
finalement se retournent contre nous. Nous encaissons parce que se battre est très difficile. C’est possible mais à quel prix ! Et puis, il y a la “dictature de la faim “. Sujet difficile…