Tony Robert-Fleury : Le docteur P. Pinel faisant tomber les chaînes des aliénés.
Derrière cette femme dont on ôte les chaînes, c’est peut être Jean Baptiste Pussin qui est représenté, celui dont Marie Didier raconte le parcours surprenant dans Dans la nuit de Bicêtre.
L’’écriture d’abord, limpide, bouleversante de simplicité et d’érudition. C’est grâce à elle qu’on entre, en ce 5 juin 1771, à Bicêtre près de Gentilly, là où sont enfermés les fous. Dans la nuit de Bicêtre, c’est la description de ce moment-clé de l’histoire de la psychiatrie où quelques hommes ont commencé à penser ” maladie “; c’est aussi le portrait de ce jeune homme qui, sans la moindre instruction, à force d’intuition, de courage et de cœur, va inventer une nouvelle manière de prendre en charge la folie. Car Pussin, arrivé malade à Bicêtre – dont les grilles portaient l’inscription Respect au malheur – deviendra soignant et finalement un pionnier en psychiatrie. Un des intérêts du livre est aussi de nous permettre d’approcher ce personnage méconnu qui pourtant influença Pinel dans le domaine du traitement des maladies mentales.
Générosité, humanité, attachement aux êtres malmenés par la vie mais qui restent dignes, c’est le médecin qui parle car Marie Didier est d’abord médecin celle qui,dans un autre livre paru en 1988 Contre visite, va du dispensaire au bidonville où vivent les tsiganes, celle qui croise ces français moyens qui ont si peu de moyens, les algériens qui en ont encore moins et les familles gitanes chassées par la police. Déjà !!
Marie Didier dit :
Ne plus me sentir ridicule d’avoir le besoin d’écrire.
Cette purge, comme l’appelle Miguel Torga, m’apparaît de plus en plus utile.
Y voir une chance de penser les moments de vie au lieu de les subir.
Le mouvement qui me porte à l’encontre des malades est voisin de celui de l’amour.
merci à l’auteur de cette page. Merci encore à lui d’ y avoir associé cette si belle musique
marie didier
Merci de votre merci. Touchée de votre passage sur le blog. Pour la musique… juste une passeuse : parfois l’adéquation advient.
Une carte topographique, Claire, et tout sera peut-être plus … clair!
Mais oui, bon sang, le joli petit lapsus… Typo, topo, tout ça c’est même topos ! C’est rigolo quand même, cher Mimi, mais c’est vrai que le typographie m’intéresse pus que la topographie…
Quoique… Merci de ta bienveillante rectification.
c’est le moment de (re)voir Tarentula…!
http://www.vodkaster.com/actu-cine/Tarantula-un-film-avec-de-grosses-pattes-velues-427
Beeeeeeuuurkkkkk… J’en ai vu en vrai et sans être arachnophobe, c’est franchement répugnant ! Et en plus, ça fait très peur. Bon, ceux qui aiment les frissons vous suivent… Désolée, sans moi
!
En l’état, “Malheur aux vaincus”, oui, c’est vraiment une phrase qui me parle et rejoints ton avis concernant le non-soin des patients (dans la majorité des cas), que ce fusse hier, avant-hier ou
aujourd’hui.
Enfin, concernant ce qui nous ait régulièrement présenté comme des troubles mentaux (schizophrénies, névroses, voire dépressions), j’ai assis mon point de vue (qui n’est qu’une hypothèse, j’en
suis bien conscient) à la lumière du savoir actuel dans le domaine de la psychologie et des neurosciences.
A priori, il est démontré qu’à la naissance notre cerveau n’est pas encore construit et que nos diverses connexions synaptiques se font au fur et à mesure de notre expérience de vie, engendrant
ainsi diverses cartes topographiques (espèce de “mode d’emploi” quant à notre manière d’être, d’agir ou de réagir) qui sont des conséquences directes de notre vécu.
A partir de là, un enfant constamment battu va mettre au point un mécanisme de défense (la bagarre par exemple), un mécanisme qui, avec le temps, deviendra son habitude (et donc sa norme, une
norme qui peut ne pas correspondre à la norme sociale). Son processus de défense n’est possible que parce qu’il a déjà intégrer l’expérience de la claque (matérialisée dans le cerveau par
un ensemble de connexions synaptiques, créant ainsi la (ou les) carte topographique conséquente) et son attitude, le “choix” de sa réaction face à la claque a également comme support matériel
d’autres jonctions synaptiques, d’autres cartes topographiques.
Toujours à la lumière des connaissance neurologiques actuelles, il semble avérer que lorsque qu’une carte topographique est crée dans notre cerveau (donc l’une de nos inclinaisons, l’un de nos
penchants, intellectuel ou non), il est impossible de la modifier radicalement (la “tendance” de base reste la même), hormis si la personne a été sujet à une lésion cérébrale, à un traumatisme
(mais là encore, à la place de “l’ancien” système de fonctionnement, de nouvelles cartes se construiront et deviendront la nouvelle norme, la nouvelle habitude de l’individu) ou, parfois, suite à
une longue remise en question (car en “travaillant” sur ses idées, on modifie l’agencement des jonctions synaptiques).
C’est la raison pour laquelle je met dans le même wagon l’épilepsie et le reste, même s’il est vrai que nous ne pouvons ni voir, ni toucher une peur, un amour, une certitude ou un doute.
Effectivement (et la maladie d’Alzheimer m’incline en ce sens) je crois qu’aucun sentiments ne se peut sans une assise dans notre cerveau, et n’est-ce pas nos sentiments, ce que nous éprouvons et
ressentons qui conditionnent complètement nos actes? (question ouverte…)
Merci pour cet échange.
Merci à toi, vraiment.
Oui, oui, j’ai bien compris le scénario des synapses et des connexions, là-haut : le hic, c’est que la configuration du cerveau est en perpétuelle et très rapide évolution, donc impossible de
“faire un cliché ” des circuits, de cette carte typographique qui nous renseigne précisément sur l’état des lieux. Enfin, c’est ce que j’ai compris… Et bien d’accord avec toi qu’un travail
(par la parole) peut être une nouvelle donne.
Ce que nous avons éprouvé et ressenti et ce que nous avons construit par rapport à ces vécus, dans le silence assourdissant de notre inconscient… Mais nous ne le savons pas toujours au moment
où nous “ré-agissons”…
Où diable sommes nous partis ? Oui, question ouverte, pourvu qu’elle le reste !
Merci encore.
Je ne connais ni l’auteur ni le livre, pas plus que je ne connais dans le détail “l’histoire” de la psychiatrie. Cependant, connaissant un petit peu l’univers psychiatrique actuel, si je devais
écrire un livre autour de cette thématique, plutôt que du respect du malheur je démontrerai comment est entretenu le malheur.
De même, si je m’en tiens à la définition du mot maladie (altération des fonctions ou de la santé d’un organisme vivant, animal ou végétal ; Dysfonctionnement d’un organisme, caractérisé par
différents symptômes et une certaine évolution dans le temps), je suis d’avis que bon nombre d’états mentaux ne sont pas des “maladies” (car sans altération évoluant dans le temps), mais
uniquement des structures psychiques données (complexe de base neuronal non modifiable et qui, toujours, sera. Ex: la trisomie, l’épilepsie, la schizophrénie et, dans des bien des cas, des
névroses).
Certes, la médicamentation a un réel pouvoir d’action sur ces divers états psychiques, mais j’affirme qu’elle ne les éradique pas (ou pas encore…)
Ce point de vue personnel est la raison pour laquelle je pense que le traitement (actuel) de la maladie mentale n’est qu’un traitement à vocation sociale. Le but (très légitime en soi) n’étant
autre que de garantir et de maintenir une certaine paix sociale en isolant tout individu susceptible de la remettre en cause (au même titre que nous enfermons dans nos prisons les délinquants).
La condition de la majorité des patients internés en psychiatrie est bien plus une affaire de normes qu’une affaire de maladie.
A bientôt.
“Respect au malheur” est l’inscription de l’époque… Aujourd’hui, serait-ce “Malheur aux vaincus” ? Sûr que l’entretien du malheur actuellement
serait un bon sujet ! Mais quel paradoxe et d’entretenir le malheur et de rejeter ces patients qui n’en sont pas !
Quant aux états mentaux, cela me paraît hasardeux de mettre dans le même “wagon” trisomie et névrose : pour la 1ère, – comme pour l’épilepsie – les causes fonctionnelles sont avérées ; pour la
2nde, la névrose, il me semble que c’est impossible à vérifier sur une radio.
D’accord avec vous pour le traitement à vocation sociale de la folie… Oui, la norme bien sûr, quoi d’autre ? Est-ce que cela a toujours été ainsi ? Le “fou” gêne-t-il plus l’ordre social
aujourd’hui ? Ou bien est-ce l’ordre social qui a changé… Mes compétences s’arrêtent là : ce que je sais un peu, c’est que l’on ne prend pas soin – le sens de soigner pour moi en psychiatrie –
des patients , hier, aujourd’hui… et demain ?
La tarentelle, du moins en Italie (Tarente), n’était pas que la conséquence de la piqure de la tarentule mais aussi sa thérapie ! On disait que la piqure engendrait une maladie qui
s’avérait fatale si la victime n’exécutait pas une danse animée jusqu’à exsuder tout le venin, mais aussi qu’elle provoquait le “tarentisme” (abattement puis désir irrésistible de danser avec une
agitation effrénée). En fait on soignait le mal par le mal. C’était évidemment un très sérieux prétexte à rassembler des musiciens et d’autres danseurs pour encourager le/la malade et cela
pouvait durer des heures, voire des jours…
Ne perdons pas de vue qu’à cette époque (XVIe – XVIIe s.), les maladies ne sont pas provoquées par des causes naturelles mais plutôt par des ensorcellements, aliénations ou possession du diable.
“On sait évidemment aujourd’hui que le tarentisme et ses prétendues épidémies n’ont été que des phénomènes de névrose collective de révolte avec des réactions hystériques contre la répression
de la libido.” Dr Don Gregorio Paniagua Rodriguez
Voilà, Véronique, Horus a votre réponse ! Je continue de penser qu’une piqûre d’araignée qui donne envie de danser, c’est singulier ! Mais si ça donne de la chouette musique, alors allons-y pour
la java fatale ! Le très sérieux Paniagua Rodriguez – qui dirige l’Atrium de Madrid – fait bien le lien entre corps et musique. Que le diable entre dans la danse !
Merci Horus pour votre infini savoir !
Merci de m’avoir rendu ce livre dans mes mains. Il est celui que j’attendais de revoir ce soir. J’en ai fait mon blog, qui invite aussi sur le tien.
Baisers du soir, belle !
Mais merci à toi, toujours en lien de cœur et d’esprit, pour les choses graves et… les autres. Bel automne et à bientôt.
Magnifique livre ! Et Pussin a été avalé par Pinel. Où est sa trace ? Rien à Bicêtre, rien.
Quelles conditions pour les aliénés, souvent d’ailleurs des indigents…
Les fous, tu sais ma Brigitte, ils encombrent ! En plus, ils sont pauvres (parce que les fous riches – si si , y en a ! – on a les moyens de les cacher) et ils sont souvent bruyants. Il était
temps que l’on en parle différemment, qu’on les voit autrement…
Mais la peur de l’autre différent revient toujours, surtout en période “agité”. Attention, on en est là, de nouveau.
Je rentre de la bibliothèque municipale où j’ai emprunté ce CD de Jordi Savall, Altre Follie. Plein de musique pour le week-end. Chouette!! L’hystérie, oui j’ai lu aussi cette interprétation…
mais quid des danseurs de la tarentelle?
Si le CD dont tu parles, c’est Jordi Savall, La Folia avec des morceaux de Corelli, Marais, Ortiz…, je l’ai !
Non, non c’est un 33 tours sorti dans les années 70 et c’est l’Atrium musicae de Madrid. Quant à la tarentelle, plein de versions envisagées sur la maladie et ses remèdes !
Tu vas te régaler avec les Follie, bon week-end, Véronique
Musique superbe ! est-ce une tarentelle (de la tarentule, l’araignée dont la piqûre poussait les gens à danser frénétiquement…) ?
C’est une Folie… qui était aussi une danse très débridée ! Il y en a eu plein de ces “follie”, des portugaises, des italiennes, des espagnoles et même des françaises, bien sûr !
J’avais un très beau disque qui s’appelait Tarentule Tarentelle avec plein d’airs et de danses effectivement assez dingues. Moi, je penche un peu pour des histoires d’hystérie, mais tu me
connais… Si je le retrouve, je te le prêterai. C’était vraiment bien.
Cet été j’ai lu et bcp aimé “la nuit de bicêtre”; en suivant j’ai lu: “Blanche et Marie” de Per Olov Enquist (Acte Sud) qui imagine la rencontre
de Blanche (patiente de Charcot) et Marie Curie…Deux livres qui laissent de traces.
Merci, Vincent ; je vais lire Blanche et Marie, ça me tente bien : j’aime ces rencontres improbables. As-tu lu d’autres livres de Marie Didier ? Il paraît que les tout premiers sont
superbes !