Fear – 恐れ (Osore) – Temor – Medo – Paura – страх (strakh) – φόβος (fóvos) – Paur (ça, c’est du gascon). PEUR. Petit mot presque toujours. Gros effets.
Nous n’aimons pas forcément notre vie et pas du tout certains aspects de celle-ci. Mais qu’advienne le CHANGEMENT induit par un événement ingérable et tout à coup, nous tenons follement à notre vie d’avant. A fortiori quand ce changement entraîne des désagréments de toutes sortes dont le plus désagréable est la mort.
Je le dis tout de suite : je suis atterrée par la fermeture des lieux de culture. Je ne la comprends pas. Qu’on se le dise. Mais il y a des contraintes que j’accepte ; et j’essaie vraiment que ce ne soit pas dicté par la peur. Pourtant…
Ce que l’on ressent depuis plusieurs mois, ce mélange de colère, d’abattement, d’agressivité vient de la PEUR. Et elle est très forte, la peur. Elle-même vient de l’ignorance. On ne sait rien. Et vous l’avez tous remarqué, moins on sait, plus on a peur. Et plus on est saisi d’effroi – enfin certains plus que d’autres – plus il faut faire de bruit. On crie pour ne plus l’entendre. On se met en colère. Ce n’est pas vraiment la panique ni la terreur, plutôt l’angoisse, cette peur qui ne dit pas son nom… Remplir le vide pour conjurer l’angoisse.
Voilà, on ne sait pas : où, qui, quoi, comment, pourquoi, quand. Les responsables, ceux qu’on nomme tels, jouent toutes les cartes : apaisement, mises en garde, menaces, injonctions – les injonctions paradoxales surtout ” N’ayez pas peur mais ayez peur ” – et enfin les interdictions. Nous ne pensons plus parce que nous avons peur.
Tapis rouge pour ceux qui ont la main ! Ils s’embrouillent entre eux, les politiques, les scientifiques, tous tenants d’une vérité, de certitudes qui le lendemain sont mises à mal. Et nous, pauvres nous, ne pouvant faire confiance à personne, ne croyons plus rien.
Ceux qui n’avaient pas peur parce qu’ils niaient le danger sont rattrapés par la chose et deviennent la risée de ceux qui ont eu peur avant : Ah vous voyez, on avait bien raison d’avoir peur !
Nous voilà tous remis devant notre condition de MORTEL, condition que la vie d’avant faisait tout pour occulter. Et ça marchait. Ah mais zut ! C’est contagieux et on peut MOURIR ! Enfin, surtout les autres.
Alors, les chevaux sont lâchés ! Tout le temps, partout, il n’est question que de ÇA. Et partout, ça bagarre, ça ironise, ça s’insulte, les anti-trucs, les pro-machins… Ça suinte la trouille. On veut SAVOIR. On ne supporte pas cette navigation à vue. Il nous faut des certitudes.
Et les thèses complotistes ont de beaux jours devant elles.
Il faudra attendre. Et nous n’aimons pas. Nous ne savons plus.
Je ne me mets pas au dessus, j’écoute, je lis, j’ai des espoirs puis ils retombent. J’ai très bien vécu le premier confinement : c’était le printemps, j’ai aimé le silence, l’air sentait bon.
Pour moi, pas de deuxième confinement : vraiment, à part le masque – qui est vraiment pénible, c’est sûr – quels changements ? Entendons-nous bien : je parle de moi, ma vie de retraitée, en France. Je n’ignore pas que de nombreuses personnes souffrent et sont en danger.
Mais je ne sais rien. J’attends. Un jour, ce sera fini. On regardera dans le rétroviseur et on se dira : ” Mais que s’est-il passé ? ” et le monde continuera son train.
C’est une étrange expérience. Il faut lire Leçons d’une pandémie de George A. Soper – Editions Allia, juin 2020, 1ère édition revue Science, New York, 1919 !
J’aurais pu proposer Munch, Füssli, Caravage, Ensor et tant d’autres : les représentations de la peur ne manquent pas en peinture. Et en musique, j’ai été tentée par des musiques de films vraiment flippantes mais c’était un peu facile. Et soudain… Bien sûr ! Je ne propose que l’Allegro molto mais tout le quatuor est une splendeur !
Quelle angoisse ! Allez, tout va bien.
* Image de Une : Phobos, (étymon du mot PHOBIE) mosaïque de sol à Halicarnasse.