C’est pire que la guerre de Cent ans ! Il en a toujours été ainsi : je suis en guerre avec mon bureau. Pas le meuble, la pièce entière. Et cette pièce est un pandémonium.
Le meuble en lui-même, le bureau ainsi nommé parce qu’autrefois couvert d’une étoffe, burellum, est chez moi constitué de deux grandes planches en L posées sur des tréteaux. Sur la plus grande est posée une plaque de verre. Elle me servait du temps où je faisais des collages : le cutter n’entamait que le papier et un peu le verre.
Mais c’est très tentant de glisser sous cette plaque des images que l’on voit !
Elle supporte aussi mon ordinateur. Et d’autres objets divers et multiples qui se multiplient d’ailleurs. Ils prolifèrent.
Sur l’autre planche, une étagère des années 50 pleine à craquer de petits livres, carnets, vieux agenda, babioles, trucs et machins.
Papiers mais pas que… Parce que dans mon bureau, il y a aussi des cailloux, des cosses de catalpa, un bout d’écorce d’eucalyptus doux comme une peau qui a toute une histoire. Il y a d’autres bouts de bois. Et des plantes, bien sûr ! Je ne commence pas l’inventaire : il faudrait huit billets !
Mais pourquoi toujours tant de désordre ? Et surtout un désordre qui s’auto-génère. Ce n’est pas moi : il se met en vrac tout seul, le bureau. Ou alors, en cherchant quelque chose – que je ne trouve pas, bien entendu – je tombe sur autre chose et j’étale les trouvailles. Et c’est le Bronx. En quelques minutes !
Comment classer ? Les livres : dans le bureau, exclusivement (??) la poésie et les livres des ami(e)s. Ah les revues aussi, la Quinzaine Littéraire, le Magazine littéraire aussi, des revues d’art. La grande étagère est pleine et j’empile les livres à la chinoise. TRIER. TOUT DE SUITE.
La correspondance : faut-il tout jeter ? Oh non, impossible ! Mais il faut classer (par personne et chronologiquement) et RANGER À SA PLACE !
Les photos : déjà pas mal d’albums mais celles qu’on met de côté, dans la pile à gauche, euh… non, à droite pour les faire retirer ou pour les montrer, pour les scanner etc.
Comme dit mon ami lointain, un peu désespéré lui aussi : ” j’entasse des strates de bordel organisé “. Le désordre en lui-même ne me gêne pas. Il m’exaspère quand je cherche et que je ne trouve pas ! C’est le risque, n’est-ce pas ?
Heureusement, tout ce qui est ” sérieux “, administratif et tout ça se trouve dans le bureau de mon camarade-mari : c’est RANGÉ ! OUF ! Quand je suis submergée par la vision apocalyptique de mon antre, je cours dans l’autre bureau et contemple les étagères avec les dossiers renseignés, l’étagère avec ses stylos et ses bibelots (évidemment en très petit nombre) à leur place.
Et je repars, apaisée mais envieuse vers mon capharnaüm.
Ah j’oubliais, j’ai du mal à jeter. Mais je dois penser à ceux qui resteront quand je mourrai, non ? Promis, demain, j’y penserai. Et j’essaierai de ranger.
…et tu ne dis rien des plantes qu’il faut arroser au milieu des bouquins…
Ah ça, quand je pars… C’est une mission bien délicate que je te laisse !
Mais je suis sûre que les plantes t’aiment bien, qu’elle sont contentes que tu t’occupes d’elle : tu le fais très bien, très consciencieusement. Et nous t’en remercions !
Et vous ne dites rien des bouquins qu’elle nous fait éclore au milieu des plaintes (arides, de notre quotidien)…
Plaintes, plaines ou plantes ? Oui, quelques livres éclosent, de temps à autre, entre la misère et le schlumbergera (si si !).
Où alors je ne trouve pas parce que justement je l’ai trop bien rangé !
Ouiiiii, sans doute. C’est un autre cas de figure. Les rangeurs pris à leur propre piège. Moralité : ne rangez pas trop. Dès que je range, je ne trouve plus rien !
Mais quand même, toi, tu es super organisée !
Très drôle ton billet ! Mais ton bureau doit être une antre extrêmement chaleureuse qui me fait envie.
Depuis que mon ex maison a été saccagée ( il y a longtemps) je suis devenue moins accro… à plein d’objets chargés de souvenirs. Je vis aussi dans un appartement beaucoup plus petit, les choix drastiques ont été nécessaires. Et je suis passée progressivement à un besoin d’espace zen, minimaliste. Je m’y sens bien mais c’est moins accueillant que chez toi ! Bonne journée Claire ! Bises
C’est tellement chaleureux que c’en est étouffant, par moments ! Même si la raison en est bien triste (terrible, le saccage d’une maison), ces choix, imposés ou non, permettent de se délester, d’être dans l’essentiel. Que voulons-nous garder et pourquoi ?
C’est vrai que j’ai de la place : je ne vais pas me plaindre ! Mais je gère assez mal cet espace. J’ai toujours été désordonnée sauf dans mon travail.
J’essaie d’imaginer ton ” coin “. Et puis, je crois que tu as un paysage qui occupe BEAUCOUP l’espace !
Merci de ton passage, Joëlle.
Juste billet, vécu (vaincu?) partagé, merci.
Superbes collages, faut s’y remettre, vite!
Et merci pour ce mot “Pandémonium” dont je ne connaissais pas, ou n’avais pas retenu, la définition.
Alors, en cette capitale imaginaire de l’enfer, ce lieu de corruption, de désordre bruyant, plein d’agitation, où votre âme retrouve-t-elle son essentiel repos, malgré l’heure de pointe?
Ici, c’est l’établi de l’écran où pauvre lime à ongles pour ordi s’essaie à l’invention d’un bricolage vernis.
Un temps, j’vous dis pas, mais véritable décantation.
Je ne peux m’empêcher de garder des images pour les collages, au cas où… Mais le temps ! Comment je faisais avant ? Je travaillais, j’écrivais, collais…
J’adore ce mot (Pandémonium, Tous les démons), ainsi que CAPHARNAÜM : j’ai réussi à placer les deux ! J’aime le désordre, je crois. La vie est chaos. Trop d’ordre m’angoisse.
Bricolez, bricolez, faites attention à vos yeux : pauvre ami, peut-être qu’un jour vous allez détester les ordinateurs ? Vous fascinent-elles encore, ces machines ?
Imaginez qu’un jour, elles sortent de votre vie ? Vous rappelez-vous le temps où elles n’y avaient aucune place ?
C’est fou, hein ?
Mais le temps ! Comment je faisais avant ?
Le temps, c’est celui qui veut prendre ta place dans les transports privés, faut pas se laisser faire!
Ah, t’es là? Excuse, j’me répétais un truc pour m’en sortir…
Ah oui, CAPHARNAÜM, top top! J’ai toujours aimé le son de ce mot, écho profond des voix enfouies sous le bazar.
[…] ordinateurs ? Vous fascinent-elles encore, ces machines ?
Non, cela n’a jamais été de la fascination, loin de là, juste un goût pour l’outillage.
Et l’ordi, c’est un outil à outils qui demande outillage (pour une heure meilleure). Bref, la dernière scène de “Brazil”, tu te souviens, “Aquarela do Brasil” sur une chaise de plomb.
C’est avec des adolescents qui durent un assez grand nombre d’années que la vie fait ses vieillards.
Marcel Proust – À la recherche temps perdu, Le Temps retrouvé.
Voilà pour les adolescents qui sont restés en nous.
Très bonne définition, ” l’outil à outil ” ! Et Brazil… comment oublier cette dernière scène ? Tragique.
Je file dans mon bureau, son capharnaüm m’ôtera mon cafard.
idem, idem, idem… mais sans bureau, je suis nomade et me trimballe partout le petit mac sur le ventre. les bouquins? partout, partout, et qques FMR aperçus sur ton étagère ! beauté absolue de tout : images, photos, choix des sujets, calligraphie, maquette, mise en page, luxe calme et volupté.
En bref, j’ai tout pareil multiplié par 3 et dans le désordre. Pas encore de piles de livres par terre.
Continuons le combat !
Ah l’œil qui repère… oui, les FMR, une délectation. Il faut les ouvrir à nouveau, de temps en temps.
Les livres, des petits objets (parfois pas si petits!) qui s’additionnent, se multiplient, ont tous une histoire, une origine. Peut-être qu’un jour, je n’en garderai que dix !
Moi non plus, pas par terre mais beaucoup beaucoup de bibliothèques et d’étagères.
Laure, as-tu tes 33 tours ?