Seules les araignées aiment la poésie

Quand on se pose des questions bizarres sur les rapports des araignées à la poésie.

On est sous le barnum. J’aurais bien aimé mettre un peu d’animation, faire vivre un peu tous ces mots qui se prélassent dans nos bouquins, leur donner corps. Qu’on ne soit pas là à guetter le chaland. On se salue gentiment les uns les autres et on fait plus ou moins semblant de s’intéresser aux productions des collègues.
Mon camarade me fait rajouter POÉSIE sur le petit panonceau portant mon nom. Tous les autres invités déclinent leur identité : POLAR (plus jamais Roman policier), BD, BEAUX LIVRES, AUTEURS DE TERROIR etc.

Comme dans tous les Salons (ce mot est toujours étrange pour moi, le mot AUTOMOBILE me vient immédiatement à l’esprit), les gens arrivent par vagues : parfois c’est désert et brusquement ils débarquent, déambulent, errent.
Certains exposants (même remarque que pour Salon) accrochent l’acquéreur potentiel, expliquent, argumentent, échangent, discutent et vendent… ou pas.
Dans l’ensemble, c’est calme.
Je remarque vite qu’à la lecture du mot POÉSIE sur ma petite pancarte, les réactions sont diverses mais très visibles : cela va du haut-le-cœur au regard angoissé, du battement de cil au regard détourné en cinquième vitesse (non non je n’ai rien vu ). On voit encore du Berk ou bien Ouh là là, Ah non pas ça ou Au secours, Aïe ou Pfffffff Bref, on reçoit des petites vibrations pas toujours positives.
J’aime beaucoup aussi celui ou celle qui, prenant son courage à deux mains, s’empare d’un livre et le feuillette : on voit très bien qu’ils ne lisent pas du tout, qu’ils pensent à ce qu’ils vont bien pouvoir dire pour prendre la poudre d’escampette mais dignement. On sourit ou on regarde ailleurs pour laisser la personne s’en aller tranquillement.
Vient le moment où je m’aperçois qu’une petite araignée noire s’intéresse beaucoup à ma production. Nous la chassons gentiment mais elle revient toujours : le manège se répète plusieurs fois. Elle est déterminée et curieuse. Elle trottine sur les livres. Et il me vient cette idée : les araignées aiment-elles la poésie ?

P.S. : Qu’on se rassure, l’araignée du Salon n’était pas celle de la photo de Une (signée C. Destandau) ! 

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