Façon(s) de parler

[…] nos actes doivent prendre en compte l’esprit d’autrui, c’est-à-dire sa capacité à lire dans nos mots et nos gestes les signes de nos sentiments, de nos pensées, et de nos intentions. Voilà qui limite ce que nous pouvons dire ou faire ; mais voilà aussi qui nous permet de faire autant d’allusions au monde qu’autrui peut en saisir. Erving Goffman Façons de parler

Scène de rue vécue : des jeunes se bagarrent et se  » traitent  » ; cette fois, aucun discours allusif ou direct, aucun discours tout court : on en est à la violence crue, au degré zéro de l’échange. Il n’y a plus que l’insulte. Façons de parler, manière de dire : pas possible de faire bonne figure au risque de perdre la face…

Le chien tout crotté – il vient de se rouler dans une flaque boueuse – s’approche du groupe. L’un des garçons s’esclaffe :

– Oh l’ bâtard !

Je m’approche et dis gentiment :

– Ce n’est pas un bâtard.

J’énonce là que le chien est racé. Je dis ce qui est. Je n’ai ni honte ni fierté, c’est la réalité.

– J’espère que vous êtes pas vexée, Madame, parce que je dis que le chien c’est un bâtard ?

– Ben, je ne sais pas… Je devrais ?

– C’est façon de parler, quoi…

– Oui, je sais comment vous utilisez ce mot. Non, je ne suis pas vexée.

À droite le  » sale « bâtard  » ou le chien de race sale. Normalement, dans les bons jours, il est blanc.

Malgré tout, je préfère mille fois cette façon de parler à celle, mortellement vulgaire, du type d’Orange (voir sur plein de sites) parlant de son salaire en KE (Kilo euros ?) qui prouve sa supériorité et traitant l’employée de con…

P.S. : Lu quelque part : J’éprouve toujours un certain plaisir à tenir la porte ouverte à des gens assez loin pour les obliger à courir de façon gênée. C’est mal ?