Messe pour le temps présent – Pierre Henry : vous vous souvenez ?
Devant la porte de l’usine
le travailleur soudain s’arrête
le beau temps l’a tiré par la veste
et comme il se retourne et regarde le soleil
tout rouge tout rond souriant dans son ciel de plomb
il cligne de l’œil familièrement
Dis donc camarade Soleil
tu ne trouves pas
que c’est plutôt con
de donner une journée pareille
à un patron ?
Harmut Rosa – sociologue allemand – nous prévient, la vie va si vite qu’elle nous échappe ; l’augmentation des actions, le monde entier qui nous est offert dont nous ne jouissons pas : pas le temps ! Nous courons tous sur des tapis roulants. On ne va nulle part, sur un tapis roulant, on fait du sur-place. C’est quand même dingue quand on y pense : courir pour rester là où on est !
Aux États-Unis d’Amérique – Time is money – on vient de comprendre que les 37% de temps que le salarié passe en réunion pourraient être économisés ! Pour en faire quoi ? C’est une autre question. Ce temps perdu, qui passe soi-disant de plus en plus vite, comme si la notion de vitesse lui était applicable, nous rend nerveux, frénétiques, agités et… insatisfaits.
Alors, on le remonte, à contre courant et cela s’appelle se souvenir… Mais attention, l’accélération affecte aussi la mémoire.
Zut, je n’ai pas tout dit : il me faut un TEMPS III qui sera sans doute un éloge de la lenteur ou j’ai-fait-la-Thaïlande-en-4-jours.
Mais où est le problème ? Si pour faire une chose il faut 10 mn, pour en faire deux, il en faudra 20 ! Si on veut en faire deux en 10 mn, on dira qu’on a pas assez de temps, c’est du niveau CM2 !
Si on a beaucoup de boulot, on dira que le temps passe vite – alors qu’il n’y est pour rien, si on a rien à faire, on trouvera le temps long…
Il a bon dos le temps.
Oh la la, le rationnel rationnaliste ! Mais parfois, je te jure que 10 et 10 ne font pas 20, même et surtout en minutes !
Il n’y a pas de problème d’autant que pour moi, il n’y a pas de temps perdu. Nous vivons plus ou moins intensément les poignées de minutes , lesquelles durent parfois 60 secondes et parfois moins
et parfois plus : cela s’appelle la subjectivité ; et le TEMPS en connaît un rayon en subjectivité !
De plus en plus de lassitude avec la sensation que le temps nous échappe et que nous nous échappons à nous-mêmes. Que faire avec ce qu’il reste ? Quelle est notre véritable place ? Te lisant,
j’ai pensé à Charlot accroché à l’aiguille du temps. Va-t-il tomber ?
C’est Harold LLoyd. Charlot lui, c’est Les Temps Modernes mais toujours ce rapport avec le
Temps. Il ne nous échappe pas, Brigitte, il vit sa vie… C’est nous qui voulons le posséder, le retenir, le malaxer à notre gré. On sait bien pourtant… On ne peut s’empêchr.