Série “Je me demande”

En partant à des obsèques (je ne peux pas dire enterrement, c’était une incinération), je m’étais surprise à prendre mon appareil photo puis ravisée. Non, ça ne se fait pas. Je m’étais alors demandé pourquoi on ne fait pas de photos dans cette circonstance, à part les gens connus qui vont à l’enterrement d’une personne connue. On me dit qu’on en faisait autrefois. Oui mais des photos du mort et de fort belles d’ailleurs.Victor.jpg Et le caractère surranné du mot funérailles m’a rattrapée.

(à gauche Victor Hugo)

Je pensais à des portraits, à des moments de recueillement, un enfant qui rit, des gens qui s’enlacent. Bien entendu, pas de voyeurisme ! Pas de gros plan sur les larmes et les visages ravagés. On a les actualités pour la souffrance des autres, des anonymes, pour une émotion qui peut être intense mais impersonnelle et à distance. Mais pérenniser le moment comme on fixe ceux de la joie… Fixer un moment important. On me dit encore que notre rapport à la mort a changé. J’entends bien. On veut se souvenir de la naissance et de la vie mais pas du départ, de la séparation. On veut oublier. Comme si on oubliait… On ne veut pas de preuves. L’absence de l’absenté suffit. C’est ce qu’on veut croire. Alors, une idée aussi sotte que grenue, une macabre bizarrerie, les photos aux obsèques ?

En revenant, frappée par la beauté de la Garonne avec ses fleurs de lumière, j’ai râlé de ne pas avoir pris l’appareil. J’ai également compris que le photographe s’absente lui aussi derrière son appareil et s’abstrait ainsi de l’émotion collective. Bouclier. J’y suis mais je n’y suis pas.

Sinon, la vie ça donne ça parfois :

P1000632

Mérignac 25 janvier 2012

0 Shares:
Choisissez de suivre tous les commentaires ou seulement les réponses à vos commentaires
Notification
guest
2 Commentaires
Inline Feedbacks
View all comments
Nana Massart
Nana Massart
il y a 11 années

Belle photo au soleil couchant qui renaîtra …

Dans ces moments là, nous sommes tellement sidérés et pris dans le “Si vite”… Désorientés, nous avons l’impression de ne plus rien comprendre, tout se bouscule, pris dans une spirale de
questions, d’interrogations. Fixer ce qui est figé peut peut-être nous aider à accepter et nous dire “Nous ne sommes que de passage sur terre”. Admettre, consentir ce départ, cette séparation.
Cette photo ultime de” l’endormant” au visage enfin paisible, peut-elle nous rassurer, nous tranquilliser?

TempesduTemps
TempesduTemps
il y a 11 années

Prise depuis mon bureau, la photo…

Mais pourquoi cette précipitation, cette volonté de comprendre ? Nous ne prenons pas notre temps pour de tels moments. C’est sans doute ce qui  nous empêche d’accompagner le départ, de nous
accompagner nous-mêmes, de laisser s’exprimer le chagrin. C’est nécessaire et pas malsain du tout, non ?

Vous pourriez aussi aimer