Comment mener une vie bonne dans une vie mauvaise ? demandait Adorno relayé en cela par Judith Butler. Est-ce qu’une vie bonne est une vraie vie ? Quand on sait que partout – et depuis si longtemps – le pouvoir et la domination perturbent nos réflexions individuelles sur la question de savoir comment vivre au mieux, continue Judith Butler dans son excellent – mais difficile – billet sur la Morale pour temps précaires (Le Monde du 28 septembre).
Et puis, MENER ma vie ? Vraiment ? Seuls certains aspects d’une vie peuvent être dirigés. Pouvoir vivre ou pas une vie valable n’est pas quelque chose que je peux décider seul puisque cette vie est mienne et n’est pas mienne : je suis en effet une créature sociale.
[…] Comment se demander comment mener au mieux sa vie lorsqu’on se sent incapable de diriger sa vie, lorsqu’on est incertain d’être en vie, ou lorsqu’il nous faut lutter pour ressentir ce sentiment d’être vivant, tout en craignant ce sentiment, et la douleur de vivre ainsi ? Dans les conditions contemporaines de l’émigration forcée et du néolibéralisme, des populations immenses vivent désormais sans entretenir le moindre sentiment d’un avenir assuré, sans le moindre sentiment d’une appartenance politique sur le long terme, vivant le sentiment d’une vie mutilée, lui-même partie intégrante de l’expérience quotidienne du néolibéralisme.[…]
Comme il doit être terrible de penser : » Je ne serai pas pleuré et ainsi, n’étant pas digne d’être pleuré, je ne reçois aucun soutien « . Suis-je vivant en somme ?
On doit pour ainsi dire être digne d’être pleuré avant d’être perdu… La vie, c’est plus que la survie, non ?
Fait beau et frais, aujourd’hui.