L’architecte et le somnambule

CarteBeethoven-Schubert.jpg

À propos de Schubert, il dit ceci : la naïveté n’est pas la simplicité. La naïveté, c’est l’énergie enfantine.

Il dit encore : Beethoven, c’est un architecte ; Schubert, c’est un somnambule. Et je trouve l’image très belle parce qu’elle est juste. Pour lui, Schubert est TENACE et ce mot, encore si pertinent, m’attrape et ne me lâche plus.

Il ne les compare pas, il les rapproche, l’homme en colère et le tenace timide. Ce n’est pas une distribution de bons points : c’est de l’amour, l’amour différent qu’on éprouve pour deux amis différents.

J’aime lorsqu’il dit que Malher et Schubert ont ceci en commun de n’être pas maîtres de la situation, de subir un chaos intérieur. J’avais très vaguement fait des rapprochements entre ces deux-là et là, c’est lumineux.

Lui, c’est Alfred Brendel. Il parle de la musique. Il ne l’explique pas, ne l’explicite pas non plus. Il donne des clefs, il met des mots sur des ressentis – au sens profond du terme, pas les vagues impressions auxquelles ce terme est aujourd’hui accolé –  que ses doigts et tout son corps feront vibrer. Il est aux tréfonds de la musique. Il respire musique. Passeur de passion. Et, avec les notes de la dernière sonate de Schubert, c’est l’ultime de ce qui peut être dit – et entendu – une main passée sur le front d’un mourant.

J’aime Alfred Brendel mais pour Schubert ma préférence, c’est Sviatoslav Richter :

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Pierre
Pierre
il y a 11 années

Belle note!

Et plus que belle page de Schubert.

J’aime bien votre parti-pris, Claire, après avoir été un peu surpris de voir le nom de Richter en écoute, au lieu de celui – attendu – de Brendel.

D’accord avec Horus. Et particulièrement pour ce qui est de l’ “autre planète”. Avec Richter j’ai souvent l’impression d’entendre pour moitié le compositeur et pour moitié l’interpréte. C’était
une forte personnalité… Ici il est extraordinnaire.

Amitiés

(Et reparlez-nous de Beethoven et Schubert. En ce moment je suis dans le 12e quatuor du premier, et des lieder arrangés pour orchestre (Otter, Quasthoff, Abbado) du second. Une curiosité.)

 

TempesduTemps
TempesduTemps
il y a 11 années

J’ai tant aimé Brendel parce que ma découverte du Schubert-piano est assortie de son jeu. Mais la première écoute – assez tardive – de Richter m’a ravagée ! Comme vous le dites, Pierre,
l’interprète est si présent dans le jeu, si accablé de douleur parfois, avec pour Schubert, cette proximité avec l’auditeur et simultanément, une voix lointaine, déjà plus là… Vous l’aurez
compris, je suis Schubertienne, inconditionellement, passionément.

Merci d’avoir “réactivé” l’écoute des quatuors des Beethoven : je me suis régalée avec le 12ème qui vous occupe en ce moment.

horus
horus
il y a 11 années

Brendel est d’une grande sensibilité aidée d’une intelligence subtile. Dans ses interprétations, chaque note est soigneusement mesurée pour arriver à une expression et un phrasé finalement
très… romantique. Je crois que Schubert l’apprécie.

Richter lui, est sur une autre planète. Avec lui, aucun sentimentalisme, aucune intention de ménager l’auditeur par de l’élégance ou du raffinement : du brut, de la vrai douleur, de la solitude,
du désespoir qui vous laisse assommé. Même le piano souffre.

Entre les deux, je ne choisis pas, je prends les deux.

Chers amis mélomanes, bonsoir.

TempesduTemps
TempesduTemps
il y a 11 années

Oui, moi aussi, les deux parce que la beauté n’est rien sans l’intelligence ! Parce que tes mots sont justes aussi pour parler des deux géants.

Et aussi les quatre mains parfaits (Noël Lee Christian Ivaldi) et sans doute, Perahia…

Enfin, notre saison Schubert ne finira jamais même si on aime Beethoven, hein ?

Brigitte giraud
Brigitte giraud
il y a 11 années

Je n’y connais tellement rien, moi ! J’écoute, oui. Je sais ce que j’aime quand j’aime. Magnifique, là ! Mais je n’y connais pas grand chose. Alors j’admire. Je t’envie en fait de ce savoir que
je ne possède pas. C’est un univers que je sens si grand… Merci de ce billet. De cette écoute que tu me proposes et que je me passe plusieurs fois.

TempesduTemps
TempesduTemps
il y a 11 années

C’est comme pour le vin ! On sait juste quand ça touche là où il faut et après ça vous habite. Connaître, c’est naître avec, tu connais plein d’autres choses. La musique, tu l’aimes fort et c’est
déjà si bien, hein ?

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