Je ne peux m’empêcher de le crier haut et fort : j’aime L’Herbe !
Je m’y lave de plein d’insultes faites à la sensibilité et l’intelligence du monde. Excusez les grands mots… Je m’y nettoie de cette soi-disant information, ramassis de duretés où même les nouvelles pas trop mauvaises deviennent nauséabondes (peut-on à ce point se réjouir de la mort d’un homme exécuté et employer des termes d’un autre âge ? A-t-on besoin de savoir l’état des corps repêchés en mer ?). Je ne me sens pas meilleure que tout ça, ni au dessus : ça m’atteint. Alors, à L’Herbe, je sors la tête du bourbier ambiant, de l’immense déchetterie à ciel ouvert et la plonge dans l’eau, avec le chien qui croit que je me noie et vient me sauver.
Photo C. Mèneret
J’y regarde les hirondelles, rassurée qu’elles soient là, encore une année, encore une année… J’y observe les bastons de moineaux décidemment peu farouches. J’y guette le passage des cormorans col tendu, admire de loin le vol des Chevaliers Gambette et entends leurs trilles ténues. J’y écoute l’eau faire son trafic, jour et nuit. J’y compte les nuages et m’y sens parfaitement inutile, incroyablement à ma place.
Lieux bénis qui permettent de s’oublier, d’oublier qu’on fait partie du monde qui a mal. Reprendre une respiration rendue difficile par les vapeurs toxiques auxquelles il est quasi impossible d’échapper.
Le chien s’en fout. L’Herbe fleurie aussi. Et moi aussi pour une brouette d’heures. Manger, se baigner, dormir, marcher, regarder, écouter. Et puis, bien sûr… revenir parce que je fais partie de l’humanité.
Actus tragicus – Bach – Les Kurtag – Pas trouvé sans image.