L’énigme Green

Quand un livre ancien raconte une histoire et a son histoire.

D’abord, il y a l’objet-livre, oublié dans la bibliothèque. Entre GRACQ et GUILLEBAUD. En fait, il y a plusieurs livres de cet auteur… Tous très vieux. Un de mes parents – ou les deux, il leur arrivait d’avoir des goûts communs – devait l’aimer. Certains titres me sont familiers. Mais celui-là ne me dit rien du tout :
Il y a une grosse tache sur le papier fleuriste qui le couvre – fleuriste d’autrefois s’entend – lequel papier part un peu en lambeaux.
PLON – PARIS – 17e mille sur la première de couverture. Sur la quatrième, les dernières parutions : beaucoup d’inconnus pour moi, tombés dans les oubliettes exceptés Dr Alexis Carrel, Daniel Rops et Henri Troyat. Le copyright dit 1936.
Le roman commence. Tout en haut de la première page du texte, à droite au dessus du titre, l’écriture de ma mère : Alain sept 42

Ils viennent de se rencontrer, en pleine guerre. Et mon père, Alain, offre ce livre à ma mère. Forcément, j’essaie d’imaginer. Je sais que pendant des mois, ils ne se verront plus, que ma mère ne saura pas où est mon père.
Alors ce livre, je l’aborde dans un état d’esprit particulier.
MINUIT, dit l’auteur… et durant toute ma lecture, je vais penser “dans le jardin du bien et du mal”. Pourtant les deux œuvres n’ont strictement rien à voir ! Et le Bien est peu présent dans le livre de Green non plus que les jardins. Le Mal, on ne sait trop… Mais les enfermements, les prisons réelles et immatérielles : la famille (ah, la famille ! qu’est-ce qu’elle prend !), la solitude, les secrets. Les monstres y sont plus ennuyeux qu’effrayants. Parfois, un bref rayon de lumière, un élan de tendresse ou plutôt de désir toujours honteux.
Le style semble suranné, précieux. Écrit-on encore comme ça en 1936 ? Ou bien seul Julien GREEN écrit ainsi, avec ces mots oubliés, cette précision dans le choix des vocables pour les tissus, les meubles, les lumières ?
Les personnages – nombreux – sont plutôt des figures, des symboles, des fantômes. Des archétypes.
Pourquoi MINUIT ? Parce que ce roman est essentiellement nocturne ? Parce que c’est l’instant de la bascule entre la nuit et le jour ?
Les images de F. W. Murnau et Carl Dreyer seront présentes. Je penserai aussi beaucoup à mon cher Edgar Allan POE. Alors voici :




Je trouve aussi sur la page d’Alina Reyes des liens fort intéressants avec notre sujet :

La chute de la maison Usher de Debussy mise en film par Latosch

Je referme le livre. Les fantômes s’éloignent. Ils se retrouveront à minuit.

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