Notes sur la mélodie

Un très joli texte sur la mélodie des mots et des choses

Un tout petit livre qu’on trimbale avec soi. Petit comme un petit carnet de notes. D’ailleurs, le titre en est : Notes sur la mélodie des choses. Quarante notes. Soixante trois pages. Trois francs six sous en deux langues, s’il vous plaît. Rainer Maria Rilke a 23 ans lorsqu’il l’écrit. Ci-dessous ” mon ” édition. Pas moyen de la retrouver pour l’image de Une ! Je propose une édition plus récente mais non bilingue.

Rilke.IMG.jpg

Et dans ce si petit livre, quelques pépites. Dans Lettres à un jeune poète*1, R.-M. Rilke vouvoie son correspondant. Ici, il tutoie son lecteur, en fait il se tutoie lui même :
Note VI : Puis remémore-toi la vie même. Souviens toi que les hommes ont maints gestes bouffants et des mots incroyablement grands […]

Il y parle de mise en scène de peintures italiennes anciennes, de premier plan et d’arrière plan, du rapport entre les deux ; il se donne conseil à lui-même d’extraire le rythme du bruit de la vague du tumulte grondant de la mer ; emmenés vers le tout proche sans abandonner l’immense, on est sommés d’être soliste (solitaire ?) dans le chœur commun.
[…]une fois qu’on a découvert la mélodie de l’arrière-plan, on n’est plus indécis dans ses mots ni obscur dans ses décisions. C’est une certitude tranquille née de la simple conviction de faire partie d’une mélodie, donc de posséder de plein droit une place déterminée et d’avoir une tâche déterminée au sein d’une vaste œuvre où tous se valent, le plus infime autant que le plus grand. Ne pas être de trop, est la condition première de l’épanouissement conscient et paisible.
Vingt-trois ans !

Ci-dessous, Dirait-on extrait du cycle La chanson des Roses,  Texte Rainer Maria Rilke – Musique Morten Lauridsen


Plusieurs post-scriptum :

*1 : J’ai une magnifique édition Des Lettres à un jeune poète ( Grasset, 1970) dédicacée par un certain Denis. Qu’il en soit encore remercié, quarante ans après…

*2 : Le tableau de Basaiti ci-dessus à gauche est un détail du Christ priant au Jardin (1516) Rilke parle de ce peintre.

*3 : Je fais appel aux germanistes parmi mes lecteurs pour deux problèmes que je rencontre dans le texte proposé ci-dessous. D’abord, pourquoi cette virgule avant qui t’environne (ligne 3 et 4) et du coup, où est le sujet de ce verbe ? Ensuite les deux points sont-ils corrects [l’art du vrai commerce] c’est (ligne 9) ? Je les vois dans le texte allemand mais ça me laisse perplexe. Réponses attendues, bitte !

 

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âne aux nymes
âne aux nymes
il y a 12 années

Mais non, tu n’exagères pas. Bien sûr qu’on y perd en force et en grâce à s’entraver sur des ornières (là, j’exagère, ce sont juste des petits cailloux) d’incohérence. Je ne voudrais pas causer
trop de souffrance à un certain Jünge Werther mais, pour moi, licence poétique ne signifie pas ponctuation employée à contre-sens. Le traducteur a dû craindre de commettre un crime de lèse-génie
et a préféré reproduire des erreurs plutôt que s’autoriser à les corriger.

Lacune chez Rilke et, ou, défaut de correction de la part de l’éditeur, voilà mon verdict, chère ayatollah, la la la lon laire…. !!!!!

J’aime beaucoup la finesse japonaise de cet arbre sur fond de colline dans le tableau. D’ailleurs, toute cette peinture (du moins ce détail) est pleine de délicatesse pour le décor et d’amour
pour les personnages.

Nana Massart
Nana Massart
il y a 12 années

C’est un chant que l’on écoute sous une douce couette le soir, les jambes en V renversé et en appui sur les genoux un livre… Parfois on souffle dessus car une légère poussière est là comme une
intruse, surtout sur celui que l’on prend sur les piles en petits tas contre le mur, près du lit… Oh zut! je l’ai déjà lu dirait-on…

TempesduTemps
TempesduTemps
il y a 12 années

Oui oui, je la vois la pile de livres… La musique des mots et celle des notes se mélangent parfaitement. Pour la poussière, tu prends le bouquin en dessous de celui du haut. Tu l’as lu depuis
plus longtemps. Tu te laisses bercer… Voilà le sommeil…

âne aux nymes
âne aux nymes
il y a 12 années

Sans être germaniste, on peut effectivement s’interroger sur ces bizarreries de ponctuation. Il ne devrait pas y avoir de virgule après “le gémissement de la mer” mais il devrait y en avoir une à
la place du tiret. On devrait lire “… que ce soit le souffle ou le gémissement de la mer qui t’environne, toujours veille derrière toi une ample mélodie…”

Il y a peut-être eu erreur(s) dans la saisie du manuscrit et ou défaut de correction.

Pour les deux points, est-ce que le “c'” est déjà présent dans le texte allemand ou est-ce qu’il n’apparaît que dans la traduction ? ça pourrait changer le point de vue. Sinon ces deux points, je
les vois comme un désir appuyé de bien se faire comprendre. Ou une façon de mettre en exergue la définition à venir pour lui donner plus de poids. S’il n’y avait pas ces deux points, la phrase
aurait dû s’écrire ainsi “tout comme l’art du vrai commerce est, de la hauteur des mots, se laisser choir dans la mélodie une et commune.” Peut-être y perd-on en clarté ? Bof, je n’en suis pas
sûre. 

J’aime bien tes colles.

 

TempesduTemps
TempesduTemps
il y a 12 années

Ben alors là, j’ai reconnu tout de suite l’œil de la pro ! Âne aux nymes, mon œil ! Le cher Jünger nous parle de licence poétique pour ces bizarreries. Ouiche, ou coquetteries de jeune
poète. Car TOUT est dans le texte en allemand, les virgules, les tirets, les deux points. Donc le traducteur n’a pas été tradittore…

C’est étrange à quel point ça me gêne tout ça ! Moi, la pourfendeuse de virgule, l’ayatollah de la ponctuation, je trouve que le texte y perd en force et en grâce. J’exagère ?

Jünge Werther
Jünge Werther
il y a 12 années

Ich glaube, es ist eine licence poétique… Nicht wahr?

 

TempesduTemps
TempesduTemps
il y a 12 années

Ya !! Peut mieux faire, quand même. Bon, moi qui à part “les pommes de terre sont cuites”, “je t’aime” et “les petits oiseaux chantent dans les arbres” ne sais rien dire en allemand… je me
contenterai de “licence poétique” comme explication.

Quand même, pour la 1ére question, le traducteur n’est pas au top ou quoi ?

Denis
Denis
il y a 12 années

Ben … tu venais juste d’acquérir ta majorité (à l’époque c’était l’âge, enfin je crois).

Et tu étais déjà une grande poétesse, avec ton amie Sacha.

TempesduTemps
TempesduTemps
il y a 12 années

Majeure oui, pas très vaccinée ! Et j’aimais déjà écrire, ça c’est vrai. Je te lisais mes petites nouvelles : te souviens-tu de celle du mec sur le pont qui fume sa dernière clope ? Il pleut et
tout fait pshittttttt. J’ai perdu ce petit texte, bien sûr, mais tu l’avais aimé.

Denis
Denis
il y a 12 années

“J’ai une magnifique édition Des Lettres à un jeune poète ( Grasset, 1970) dédicacée par un certain Denis.”

Est-ce moi ?

TempesduTemps
TempesduTemps
il y a 12 années

Je te livre la dédicace : ” À Caillou, ma grande sœur, très vieille et très gentille ” le 9 octobre 1971. Tu situes ?

Tu vois, frérot, tu continues d’être là.

Brigitte giraud
Brigitte giraud
il y a 12 années

Et puis cette phrase que tu m’as dite de mémoire : “du tout, n’en saisir que l’important”, quelque chose comme ça, mais en mieux… Merci à toi

TempesduTemps
TempesduTemps
il y a 12 années

“Il faut disposer côte à côte les couleurs pures pour apprendre à connaître leurs contrastes et leurs affinités. Il faut avoir oublié le beaucoup, pour l’amour de l’important “
dit-il.

Tu as retenu ça… et tu sais tant d’autres choses importantes.

Fort à toi

Firippu
Firippu
il y a 2 années

Dix ans déjà mais rien ne meurt quand deux points, virgule, font point d’interrogation.
Où en est la conclusion du point final ?
(Si la forme perçue l’impose : aucune ironie dans la question.)

Firippu
Firippu
il y a 2 années
Reply to  TempesduTemps

? Deux nouveaux mots pour un : digressionnisme blogal.
Je m’apprêtai à faire un commentaire en bas du billet “Ça suffixe” quand le mot-clé “les mots” a ravi ma souris, puis la mélodie de tes notes m’a… souri. Et maintenant le choeur All The King’s Men.
Alors le mystère s’est épaissi depuis?
Parfait, un Champollion chômeur va bien envoyer son profil, un jour.
Et merci pour la restauration de la photo en une.

Firippu
Firippu
il y a 2 années

D’une une, l’autre, une autre idée??
Et de la série “Mocassins” des mots à chausser, merci pour le morigenatus à nous sermonner bientôt.

Firippu
Firippu
il y a 2 années

Oh que je comprends cet allumage en veilleuse, tout pardonné la môme (si je peux me permettre).
Bien vu ces mots mauves, sentiment diffus d’espoir et deuil… Est-ce le même que celui souhaité?
Long vol aux mots moineaux moirés!?

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