L’ennui

L’ennui, un art peut-être ?

Longtemps, je me suis ennuyée…

Fléau pour certains, l’ennui est le malaise d’un esprit inoccupé, un vide à remplir avec le corps, agir, s’agiter. Mais si le vide est dans la tête, l’action ne le chassera pas ; elle écopera le temps, elle n’emplira pas l’esprit. Et puis pourquoi être plein ? Hein ? C’est dans le vide qu’arrive le flux de la pensée, un bon vide, bien plein de rien.

Face à face avec soi-même : il faut être assez en amitié avec soi pour que ces instants ne deviennent pas insupportables. Pas narcissique, non ! Juste avoir fait la paix, avoir cessé de vouloir être quelqu’un d’autre, s’admettre. Là, l’ennui devient possible sauf que ce n’est plus de l’ennui. FAR-NIENTE.

[Je vais citer beaucoup dans ce billet ; qu’on veuille bien me pardonner : Pessoa, Moravia et Barthes prennent la parole ] Mais l’ennui n’est pas que ça :
C’est-à-dire que le niveau idéologique, c’est le rapport de l’homme avec la réalité, c’est le problème de l’ennui. L’ennui, comme je l’ai dit, comme je l’indique dans le livre, c’est l’absence de rapports avec la réalité ou l’incommunicabilité. Alberto Moravia à propos de L’Ennui, 1960

Il y a peut-être pire que l’ennui, c’est la peur de l’ennui. La paresse d’être sans béquille. Je ne juge pas : l’ennui est fécond quand il n’est plus le Vouloir-Saisir que Barthes décrit si bien en parlant de la civilisation occidentale. Il ne faut pas le confondre avec la mélancolie. D’ailleurs Roland Barthes savait de quoi il parlait et Philippe Sollers en cerne bien la finesse dans un Magazine Littéraire dont je n’ai pu retrouver la date :
L’ennui de Barthes était aussi central dans sa vie que l’était sa mère. Peu à peu, je me suis convaincu que Barthes aimait son ennui. Qu’il aimait interrompre longuement toute communication et peu à peu chuter dans le neutre comme dans une sorte de coma public.

Je laisse à Pessoa les derniers mots qui sont, pour moi, définitifs :
L’ennui est la sensation physique du chaos, c’est la sensation que le chaos est tout. Le bâilleur, le maussade, le fatigué, se sentent prisonniers d’une étroite cellule. Le dégoûté, par l’étroitesse de la vie, se sent prisonnier d’une cellule plus vaste. Mais l’homme en proie à l’ennui se sent prisonnier d’une vaine liberté, dans une cellule infinie. Fernando Pessoa Le Livre de l’intranquilité, Christian Bourgois, 1988

Qu’on ne s’étonne pas de mes références à Pierrot le fou de Godard : c’est juste que Qu’est que j’peux faire ? J’sais pas quoi faire a largement inspiré ce billet. De Sous le soleil exactement à La ligne de chance, il n’y a qu’une virevolte ! Petit clin d’œil à mes amis du meilleur ciné-club du monde.

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