Penser par soi-même

Madame Toni Morrison, l’écriture en marche

Madame Morrison, merci !

” Il y a une solitude que l’on peut bercer. Bras croisés, genoux remontés, on se tient, on se cramponne, et ce mouvement, à la différence de celui d’un bateau, apaise et contient l’esseulé qui se berce. C’est une solitude intérieure, qui enveloppe étroitement comme une peau. Puis il y a une solitude vagabonde, indépendante. Celle-là, sèche et envahissante, fait que le bruit de son propre pas semble venir de quelque endroit lointain.”

Extrait de Beloved choisi par la Bibliothèque Toni Morrison de la prison de femmes à Fleury Mérogis, en vue d’un travail sur la lecture de plusieurs ouvrages de l’auteur.

                                                  D’abord être libre puis… penser par soi-même.

toni-morrison.jpgTant de choses fortes sont dites par cette femme, tant de choses élémentaires, tellement élémentaires qu’on les oublie et même qu’on les foule au pied ! Par exemple, elle dit que lorsqu’on ne s’appartient pas, l’on ne peut se situer, nulle part, ni dans une famille, ni dans une société, ni sur la terre. Et que certaines affiliations ne sont pas pas aliénation.  Et qu’il faut “faire partie” pour s’en affranchir.

Elle dit encore que le souvenir peut cesser d’être la blessure infernale uniquement si l’on affronte le passé, si l’on peut nommer, si l’on peut pleurer, si l’on peut VOIR… Sinon, deuil non advenu et arrivée des fantômes…

Bon, je n’ai peut-être compris que ce qui me parle, mais ça n’est déjà pas si mal.
 
[…] En revanche, me passionne ce sentiment qui consiste à se soucier de l’autre, d’un étranger qui n’est pas vous et auquel rien ne vous lie si ce n’est qu’il est un être humain lui aussi, le fait de ressentir sa souffrance et de la refuser. C’est de ce sentiment que parlent mes livres : cet amour de l’homme pour l’homme, et aussi ses distorsions éventuelles que sont la haine, la trahison, ou encore la honte, qui n’est pas autre chose que l’absence d’amour et d’estime de soi.” T.M.

Bon, vous l’aurez compris, une grande dame ! Puis une autre :

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clarisse
clarisse
il y a 13 années

Bien ce billet! Grande dame oui…Merci

TempesduTemps
TempesduTemps
il y a 13 années

Oui, ce qu’elle écrit doit te plaire… les américains ont bien de la chance de l’avoir. Elle est lucide et digne, tout ce qu’on aime.
Je n’ai pas trouvé le morceau de Liz mc Comb pour illustrer le billet mais je me vengerai… Et Ella, c’est pas mal, hein ?

Brigitte giraud
Brigitte giraud
il y a 13 années

Deux grandes, oui. Ce qui dit Toni Morrison est drôlement bien, au plus juste de l’humain. L’expérience de l’insécurité l’a conduit à cette intelligence et à cette élégance. Merci de cet note,
Claire.

TempesduTemps
TempesduTemps
il y a 13 années

C’est effectivement très “serré” et fort. Elle se présente elle même comme “femme noire américaine écrivain”, tu vois toutes ces luttes à mener de front ? Chaque mot indique une lutte.
Force et bravoure

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