Photo de Une S. Stétié par P. Alechinski – Ce billet doit beaucoup à l’ouvrage de Giovanni Dotoli, Salah Stétié, Le poète, la poésie. Klincksieck
Il dit : “La poésie capte une parcelle de vérité, elle est la réalité qui coïncide pour un instant avec l’essence.”
Lui, c’est Salah Stétié, né à Beyrouth il y a 87 ans et 1000 ans : lui, l’ami de Georges Shehadé, l’étudiant de la Sorbonne et du Collège de France, lui, l’auteur du Voyage d’Alep, l’ami des poètes et des peintres. Le diplomate en poste dans de nombreux pays. Lui, l’auteur d’une centaine d’ouvrages, sans compter les livres d’artistes, les contributions aux revues et les traductions. Immense bibliographie dont les titres font poème !
J’emprunte à Tristan Derême ces mots qui s’appliquent si bien à Salah Stétié : “La poésie, ce sont deux mots qui se rencontrent pour la première fois”
Et à Jean-Claude Grosse à propos de la parution chez Fata Morgana, 2007 de La nuit de la substance, fluidité de la mort : “On le voit, la poésie se nourrit de sensations, d’impressions innommées à l’âge où on les vit et cet innommé, cet innommable, va jusqu’à dire Salah, longue impatience, réclame ses mots, ses images, ses rythmes, ses constructions grammaticales, longue patience.”
Parler de ce poète majeur n’est pas chose simple ; on ne peut que citer et citer encore pour essayer d’entrer dans l’œuvre si métissée, de franchir sans crainte ces ponts suspendus sur l’espace et le temps, si profond et lointain-proche dans son dense langage. Même si le poète a peur et que la tentation du néant l’habite… Il y aura toujours pour le ramener au monde la Femme, l’eau, la lumière et le vent.
Il y aura toujours la nudité parfaite de l’enfance, du monde où tout est nu.
Un jour dans la lumière il y eut nous et les arbres.
Il y eut dans la lumière un vol de graminées.
Un jour, sous les frondaisons, cela fut.
Et ceci encore : Je suis de ces rêveurs impénitents qui croient que l’homme est un rêve qui marche et qu’il lui arrive parfois, à force de marcher, de se heurter à son rêve in « L’Europe face à l’Europe », dans L’Europe et les autres, éd. du Cirque divers, Liège, 1993
J’aime chez lui aussi – en raison d’une double expérience d’écrivain et de lectrice – qu’il dise que le lecteur de poésie est plus rare que le poète et que son art, au second degré, est d’une certaine façon plus complexe. Alors, merci aux lecteurs de poésie !
Finir ce billet (clin d’œil à F. X.) sur les mots de Mandiargues que Stétié aimait tant : Le sens de la poésie n’importe guère là où surgit, pour l’argenter fameusement, l’outre-lumière du dit…