Djuna Barnes : un art secret

Djuna Barnes par Berenice Abott
L’art secret de Djuna Barnes (1892 – 1982). Une femme rare, un style si personnel. Elle est oubliée et pourtant inoubliable.

Un art secret… secret parce qu’il ne se livre pas comme ça ; secret encore parce qu’il parle  » d’autre chose « , en deçà ou au delà des apparences, angle de vision inhabituelle : le regard en coin de celle qui déjà s’en va…

Vraiment à part, la miss ! Pas d’école, donc un langage à elle, forgé dès l’enfance. Des parents cinglés et passablement toxiques. Et la voilà, à vingt et un ans, en 1913, soutien de famille pour sa mère, ses trois jeunes frères et une grand-mère à l’hôpital ! Mais, elle s’en fout, la Barnes, elle débarque à Greenwich et elle écrit pour les journaux, elle dessine dans la lignée de Beardsley, elle écrit tout court, elle VIT !

Vingt et un ans : un ton nouveau. Et comme toujours, depuis la nuit des temps, au centre de l’œuvre, L’Amour et la Mort… rien que ça ! Et pourtant, seule et singulière.
Et elle voyage, elle voyage, l’incontournable Paris des années 20, Berlin, Londres…
Elle rencontre des gens qui l’admirent, qui s’en inspirent ou sont inspirés par elle, une flopée d’écrivains, parmi les plus grands, James Joyce, Dylan Thomas, T.S. Eliot… Du nanan !
Celle dont Graham Greene disait qu’elle avait  » Une noire fécondité du discours…  » est drôle pourtant, elle qui peut écrire qu’  » une femme est une vache assise sur un sourire fripé  » ! Quoique… Humour noir : thème déprimant, ton rigolo.
Énigmatique, hautaine et froide dit-on, un texte qui parle de loin. D’urgence, lisez Le Bois de la nuit – qui ne sortit à New-York que parce qu’il était préfacé par T.S. Eliot – , lisez Fumée, lisez Passion. C’est grand.
À quatre-vingt dix ans,  » l’inconnue la plus célèbre du monde  » (selon ses propres mots) meurt mais il y a bien longtemps qu’elle s’était tue :  » le silence prolonge l’expérience… « 
Dernier texte publié de son vivant dans la revue Grand Street, printemps 82

Work in progress

Rite de printemps
L’homme ne purifie pas son corps du noyau qui l’habite
Il ne sait pas tisser en dévidant son fil
Le linceul où se reconsidérer.
                               

Djuna-Barnes.jpg_0001.jpg                                              Dessin de C. Destandau. d’après Man Ray

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