Spécial dédicace à Martin.
J’aime la peinture, enfin j’aime certains peintres. J’avance doucement dans cet immense univers. Mais j’ai un problème avec les musées. Je ne peux voir, jouir de, intégrer qu’une ou deux toiles. Donc, quand j’y vais, c’est pour deux, trois tableaux maximum. Au delà, je sature. Le beaucoup, c’est trop. Ce jour-là, un dimanche morose, je vais au Musée des Beaux-Arts sur les conseils de l’amie – presque l’injonction. J’ai vu qu’un Robert Delaunay était là, DELAUNAY, le mari de Sonia, l’ami d’Apollinaire et de Cendrars. C’est un tableau prêté par Le Musée d’Art Moderne de la ville de Paris, un tableau de jeunesse, (1906), une histoire de vaches… J’aime les vaches.
Pas déçue :

C’est une gaieté enfantine, un puzzle en pente ensoleillée avec des vaches mauves et bleues. L’herbe est rose. Les couleurs discutent.
Et puis quand même, des toiles accrochées vous attirent, on s’approche. Très très près de certaines, à n’en voir que des détails qui forment à eux seuls de petits tableaux. Le Harfang blanc de RIOPELLE vous chope ! En voici trois détails :

C’est une folie de broderie, de petits et délicats paquets de peinture posés au couteau, un jeu joyeux avec la matière, des plumes et de la porcelaine. Je n’aime ce tableau que le nez dessus.
Et puis je tombe sur un René PRINCETEAU, celui qui a peint les trois sangliers dans la neige dont je ne me suis toujours pas remise. Celui qui pose comme condition, pour faire le portrait du chien d’un ami, de passer une semaine avec le chien. Celui qui influença Toulouse-Lautrec. Celui qui est né sourd-muet

Mais dans l’immense tableau des bœufs portant le fumier, (dans le vrai titre, ce sont “les engrais”, plus chic que fumier, mais pour moi, c’est du fumier, d’ailleurs, il fume et on le sent !) celui qui me fascine c’est lui, dessous : dans son mouvement et avec son nez qui brille, son ombre dans la neige, essayant d’énerver les bœufs placides, les narguant, joyeux !

Et d’autres bêtes encore – avec la bien nommée Rosé BONHEUR – et de la lumière. Donc, bientôt deuxième partie de la visite au musée. Finalement, j’ai vu et ai été touchée par plein de choses…
Signée : j’aime pas les musées mais j’me soigne !
Rien à voir : une musique que j’aime, qui embarque au hasard Balthazar (nom du groupe) The man who owns the place
Il est beau ton blog, Madame, maintenant !
A part ça, moi aussi, les musées m’oppressent très vite. Cours quand même aux Arts Décoratifs, tu n’y verras ni veau, vache ou couvée, mais quelques objets de designers égarés (?) dans le magnifique Hôtel de Lalande.
Merci pour le blog : ton avis compte ! Et j’irai aussi vite que possible aux Arts Décoratifs : j’aime beaucoup beaucoup le lieu et tes designers (égarés ou perchés) me font envie et j’ai envie d’être étonnée. Chouette, un projet de musée en vue (et de billet, peut-être).
Bonjour Claire,
J’aurais juste aimé partager ce regard avec toi… Peut-être pourrons-nous le faire à Pau, un de ces quatre, qui sait ??? En attendant, Amitiés chaleureuses. Michel
Le Musée des Beaux-Arts de Pau me semble bien intéressant. Donc, lors de notre visite à nos amis nouvellement palois, on ira voir des GRECO et des LHOTE… Vivement vous voir. Amitiés fortes, Michel.
Et dire que je ne connaissais pas Belthazar, merci pour la découverte !
Et Riopelle, et le chien…
J’avoue que Balthazar fut une belle découverte : atmosphère, atmosphère… Je suis contente que tu aimes (et ça ne m’étonne pas). Quant à la peinture, le regard des ami(e) conforte, renforce, questionne, fait regarder et regarder encore : ce chien, quelle présence !
Tu as eu la chance de pouvoir t’approcher très près des peintures, chose rarissime dans un musée. C’est comme ça que j’ai appris à aimer certains peintres qui jusque-là m’étaient indifférents. Voir le geste, la fabrication…
Oui, c’est vrai, j’étais très contente de pouvoir loucher sur les détails ! Un cordon devant certaines toiles mais pas partout. Et tout comme toi, j’aime entrer chez certains par les portes minuscules, celles de l’atelier du peintre, sa cuisine. Un peu fouineuse, quoi.
Ce chien!! Regardez celui de Goya au Prado, désespéré devant son mur de souffre. IL me hante.
Tes loupes sur les tableaux ou la vie m’enchantent. On voit autrement et ce qui nous a échappé, là si présent. Morale de l’histoire…… ? A chacun de la tirer.
Et pour une journée à la loupe et de divers ordres :cap vers Bègles/ Musée de la Création franche pour les fans d’Art brut, mais pas que et poursuivre par un déjeuner à Nature et courgettes , petit buffet sain
de la piscine municipale dans un vrai bâtiment Art déco. Balthazar ? craquants…..
Mais bien sûr, Goya et ce chien terrible de solitude, une solitude de chien comme un mal de chien ! Bon Art Brut (côtoyé à l’hôpital où je travaillais): il y a des traits comme des flèches et des couleurs hurlantes. Tu me diras… Faudra que j’aille voir ce musée et la piscine de Bègles !(te souviens-tu de la beauté de celle de la rue Judaïque ?)
OUI! Judaïque, bien remise en état. celle de Bègles est petiote…… !
mais Art déco aussi comme beaucoup.( c’est l’époque des bains)
Nature et courgettes vaut le coup, vraiment.bio of course.
“[…] on s’approche. Très très près de certaines, à n’en voir que des détails qui forment à eux seuls de petits tableaux.”[…]
Cette échelle de volumes, glissades, passages, gestes enregistrés n’appartient qu’à la peinture.
Il y a de l’archéologie imposée pour tout scrutateur d’oeuvre peinte : canvas vierge, mais par où a commencé cette formidable émotion, comment de pâte mon âme se départit? Souffleur de verre par défaut le peintre jouit de ce figé reconstruit, sans âge, improbable. Le monde alors regarde son miracle éternel : corps des corps réincarnés.
La photographie procède de l’inverse : lumière par défaut, corps ambrés, transparents. Le regard ne cherche pas alors à s’approcher, à scruter. Bien au contraire, du fond du couloir le qui-n’est-plus n’impose que son non-corps. À nous de vivre sans.
Pardonnez la digression, merci pour ces détails, regards travaillés, séduits, et heureux d’être libres.
Comment ça “pardonnez la digression” !!! Mais on en redemande ! Et je me pose souvent la question : quel est le premier geste du bras tenant le pinceau, l’initial de la toile ? Vu le magnifique film sur TURNER mais qui n’aborde pas vraiment le geste de création. Et j’entends bien l’inverse de la photo, l’élaboration dans l’après-coup, la course après ce qui, dans une second,e ne sera plus ? Quelle angoisse ! Une histoire de temps resserré pour de l’éphémère à hameçonner. Merci de tes mots en creux qui creusent le sujet.
Ah Riopelle, Princeteau… merci pour ces piqures de rappel. Et les musées c’est tout le contraire, j’y reste des heures, je traîne de salles en salles, je retourne en arrière, je fais une pause et hop j’y retourne jusqu’à plus soif, jusqu’au presque-malaise. Plus tard, le cerveau et le coeur font le tri et la digestion commence, lente et riche.
Différence d’approche – je crois savoir que tu es tombée très tôt dans la marmite – et donc de “mode d’emploi”. Je ne sais pas prendre mon temps et décide souvent d’élire deux voire trois toiles et de plonger en apnée. Mais pour la digestion, même processus. Et parfois, longue et surprenante persistance rétinienne… ex. : le canard d’une poterie à Delos !