Pour aller à Égine, il faut partir du Pirée. La Grèce se voyage en bateau. Sur le ferry partant de l’île de l’amie vers Le Pirée, nous avions pris un bain de musique : tout le monde dansait, le voyage commençait bien ! Et les cornemuses sonnaient comme elles sonnent depuis si longtemps dans ces régions.
Égine est proche du continent. Elle est accueillante et douce, toute petite, même pas 20 kilomètres dans sa plus grande longueur. Mais il y a beaucoup à voir, à faire, et même à ne rien faire, juste regarder l’île à côté quand on se baigne à Perdika…
À Égine, il y a de beaux arbres, des pins qui font danser la lumière, des eucalyptus dont la peau est douce et les branches alanguies. C’est une île verte.
À Égine, il y a des oiseaux de mer, tranquilles, noirs ou blancs, en bande ou solitaires.
À Égine, il y a des pistaches ! Jusqu’au dernier moment avant le retour au Pirée, nous nous régalerons de glaces très goûtues (rien à voir avec celles de mon enfance que je choisissais pour la couleur, je pense).
À Égine, si petite, il y a tant à voir et à faire. Se poser dans un bistro les pieds dans l’eau et regarder les anciens se baigner : la mer est leur élément autant que l’air et la terre.
Il y a aussi ce merveilleux musée archéologique bâti sur un site dédié à Apollon, site qui s’avance dans la mer. Des vases très anciens admirablement peints et plein de très belles pièces. Égine fut très puissante dans l’antiquité, notamment la première cité grecque à battre monnaie au VIIe s. avant J.-C.
Bien sûr, il y a le temple, l’un des trois plus beaux de Grèce – et le plus beau pour les personnes qui connaissent le Parthénon et Sounion.
On a aimé l’histoire dἈφαία / Aphaía la crétoise : fille (ou sœur ?) de Léto et donc demi-sœur d’Apollon et Artémis. Elle faisait partie de la suite de cette dernière qui veillait sur elle. On lui attribue l’invention des filets pour la chasse. Très belle, elle fut sans cesse poursuivie par les hommes. Minos la poursuivit d’abord de ses assiduités. Elle tenta de lui échapper en se jetant dans la mer, mais elle fut recueillie dans les filets d’un pêcheur éginète. Ce dernier tomba amoureux d’elle à son tour. Aphaïa en appela à sa demi-sœur et protectrice qui la fit disparaître : elle devint Aphaïa, l’« Invisible ». Le temple serait construit à l’endroit de sa disparition. Elle est L’Invisible et elle est partout.
Nous réunissons des conditions de rêve : le temps est idéal et le site quasiment désert. Et c’est vrai que le temple est d’une beauté saisissante. (photos de Une et ci-dessous Feggari Xouw). Je ne trouve pas de mots pour parler de ces lieux, de ce qu’ils dégagent, la simplicité et la force. Il faut y être, s’installer, déambuler, ne rien comprendre. Écouter les cigales.
Quitter Égine avec la conviction qu’on reviendra. Au Pirée, un soir, on entendra du rebetiko. Mais c’est une autre histoire…
Tu as trouvé les mots : l’île douce. Et comme si elle nous attendait, pas de fausse note (et quand bien même il y en aurait…invisibles parmi les invisibles, tout devient si décalé et drôle).
Entourée de musique aussi : avant d’arriver sur le bateau et au retour, au Pirée. Et de jolies rencontres. Et nos baigneurs… Et les yeux comblés (les palais aussi : pistaches, barbouni et le petit déjeuner de l’hôtel sur la terrasse !). Et LE TEMPLE ! Vivement qu’on y revienne !
Tu nous donnes merveilleusement l’envie d’aller s’y asseoir dans le chant des cigales
Elles sont sur d’autres conifères que ” les tiens ” mais tu les aimerais ! Et une lumière unique, jamais vue ailleurs.
J’ai dansé le sirtaki, me suis régalée des photos de Feggari Xouw comme toujours et voyagé sur ton si beau texte. Je comprends que tu ailles te ressourcer dans le pays de ton amie. Ne te sens-tu pas un peu “Grecque”? peut être dans une autre vie… Tout est enchanteur.
Oh j’aimerais avoir la liberté des femmes de là-bas ! Vivre dans ce pays – sur une île – reste, pour l’instant, un rêve.
Merci de ton enthousiasme : étymologie = inspiré par le divin. Dans ce pays, les dieux sont avec nous.
Merci pour Aphaia dont point ne connaissais l’histoire. Sais pas si vous avez remarqué mais la mythologie grecque est remplie de ces nymphes (ou autres variétés de créatures plus ou moins immortelles) qui, poursuivies par une divinité mâle (ici Minos, ailleurs Alphée, d’autres fois Apollon, et tant d’autres), sont sauvées (?) par une transformation en végétal ou autre nature (cf Aréthuse, Daphné…) qui les mettent à l’abri de leurs “assiduités” (pour reprendre l’euphémisme ci-dessus employé). Je m’étonne que, par les temps qui courent, leurs histoires ne soient pas plus souvent exploitées. Ca donnerait un peu de variété et de belles références aux discours me-tooesques (qui, je l’avoue, commencent à me bassiner… ). Bon, mais après, une fois devenue invisible, elle ne s’ennuie pas trop Aphaia ? (idem Daphné en olivier, etc). Bon j’arrête, je sens que mon propos trahit trop ma nature…
Mon cher Jules,
Daphné transformée en laurier… J’ai beaucoup pensé, quand j’étais au temple d’Aphaïa, à ces métamorphoses. Et c’est étrange parce que dans la mythologie grecque les hommes, eux, sont parfois transformés en fleurs (Narcisse, anémone – Adonis, Jacinthe). Mais c’est rarement pour échapper aux harceleurs ! Je pense qu’Aphaïa ne s’ennuie pas : c’est chouette d’être invisible !
P.S. : les discours metooesques me bassinent aussi, n’ayez crainte : trop, c’est trop !