Incluse dans le cube noir de la chambre, fixer le rectangle pâle de la fenêtre. Il faut faire abstraction de tout, dans une immobilité impensable. Pincer les pensées par le bout des ailes. D’un revers de cil, congédier les apparitions du jour : tournesols cuits, raisins précoces et légères luzernes. Trop colorées. Pour le moment présent, noir et blanc sont nécessaires et suffisants. Calée contre le pied de lit, éprouver la contention rassurante de l’espace clos. L’obsurité et le silence installent un vide indispensable.
L’œil rivé sur ce qui fait lien entre l’extérieur et l’intérieur, entre le frémissant et le figé, décompte fait des peurs et des os, tenir bon jusqu’à ce que le sommeil tombe sur la chambre noire, le lit, soi. La nuit est silencieuse et lente. Elle n’est pas de coton : elle est de bois dur. Elle est absence.
Devenir la nuit.
Août 2011
Ralentissement inéluctable “Corps et âme”. Avec le temps qui passe, passe si vite, nous avons l’impression d’avoir de moins en moins de temps pour se rassasier..Une chambre aux volets à demi-clos
pour voir entre les cils s’il pointe enfin quelques étoiles et se repasser le film de la journée ou des jours anciens. Sur deux colonnes “Ai-je bien ou mal fait?” En boucle “IL FAUT QUE JE DORME,
il faut dormir” avant que ne surgisse cette crainte de grand vide et la peur de l’abandon totale….
Devenir la nuit pour la traverser et s’ouvrir au jour qui vient…
Jour qui vient toujours après la traversée. Faire que la nuit ne soit pas désert et le jour mirage.
Dense et compacte, je (re)connais cette atmosphère lourde; cet endroit peuplé de mille terreurs à apprivoiser…
Bien sûr que tu reconnais ! Pour une fois, je n’avais pas mis le lieu d’écriture… mais ça t’a ” parlé ” de cet endroit où les peurs sont aussi intenses que le noir de la nuit, où la profondeur
du silence est trouée de cris d’animaux. Où la nuit est VRAIMENT la nuit.
Les linteaux de la fenêtre absorberont peut-être le poids du monde… reposeront les yeux…
Vois comme les ombres se déplacent .
Ce sont celles des arbres
quand les phares des autos progressent.
La nuit s’étire, la femme est immobile.
Il y a le poids du silence
qui attend sans doute le matin.
Les oiseaux chanteront,
retireront la couverture de la nuit
pour la fraîcheur de l’aube.
Le sommeil n’est pas venu.
Il a glissé comme un drap au bas du lit,
ou s’est incrusté dans les moulures du plafond.
Il y a ce poids sous les paupières,
et la fumée des songes .
– Elle encombre l’obscurité
Comme une chauve-souris,
attendant qu’on s’endorme
pour développer son parapluie…
Clore des yeux ne permet pas ,
pour autant d’effacer la conscience,
comme si le noir de l’absence
aspirait toute la fragilité de l’être
jusqu’à un néant hermétiquement clos,
comme le serait un caveau .
–
RC – mai 2017
Merci de votre passage. Je suis sensible à votre texte… mais comme je suis franche, il peut être plus percutant, pour moi, naturellement.