Les marchands de consolation

Quand on fulmine contre les marchands de bonheur, contre le  » bien-être  » obligatoire, contre l’anesthésie de la pensée par des outils-pansements très lucratifs !

Cela m’exaspère et me fait peur simultanément ! Ces  » écrivains « , gourous, conférenciers, maîtres à penser (!), coaches que je ne sais même plus comment écrire !
Ces rayons entiers de librairie sur le bien-être, le développement personnel, la maîtrise de votre vie et de vos émotions, le lâcher-prise. En ces temps difficiles – je dirais plus étranges que difficiles – c’est tapis rouge pour toute une bande de beaux parleurs, très doux et très calmes et… très énervants !

J’entends cet homme qui vient d’écrire un nième livre sur le feel good : il a pignon sur rue, il est reçu partout, interviewé, et il cause, il cause, il enfile les truismes telles des perles, nouilles d’un collier de fête des mères ! Consoler est consolant : waouh ! La trouvaille !
Les cinq exercices d’empathie, la journée de la compassion, dix conseils pour être plus heureux : je n’invente rien !

Il n’est pas le seul. Ils sont quelques uns à avoir trouvé le bon filon : les petites misères et la gentillesse ! Et voici les injonctions : respirez à fond (très important, la respiration !), prenez soin de vous, mangez bien, faites du sport, soyez en PLEINE CONSCIENCE !

Je n’ai jamais entendu aussi souvent cette expression, la pleine conscience, que depuis quelques mois. Et pourtant j’ai pas mal d’ami(e)s et connaissances bouddhistes dans mon entourage. Mais là, c’est un produit, la pleine conscience. Faut en avoir à la maison.

Alors si je râle, c’est parce que j’ai l’impression que ces marchands de douceur occupent une place que devraient occuper des penseurs, des questionneurs, des hommes et des femmes qui n’ont pas forcément de réponse mais qui ne nous laissent pas mariner dans des bains d’eau tiède !
Certes, la résilience ! M’enfin, vous n’en n’avez pas assez de ce mot ?

Ce qui me fait fulminer, c’est le profit que génère cette quête ! Car ils sont malins, nos marchands ! Il y a un tel désarroi chez nos contemporains ! Voilà ce qui me rend hargneuse : l’argent que rapporte cette quête de la tranquillité.

Nous avons tous nos chagrins, nos pertes, nos désespoirs parfois et nous nous en sortons, vaille que vaille. On peut trouver de l’aide quand on est très démunis mais on DOIT savoir que tous les problèmes n’ont pas leur solution, et les douleurs leurs antalgiques. Je me garderai bien de critiquer les personnes soulagées par une ou plusieurs de ces  » techniques « , je suis sincèrement ravie si elles y trouvent un équilibre.

Je n’oublie pas les vrais soignants, des gens comme Jacques HOCHMANN et son beau livre : La ConsolationSoigner, c’est consoler, soulager celui qui souffre ; c’est poser un baume sur ses plaies à vif et le préparer à se laisser guérir. Lire et relire le texte splendide de Stig DAGERMAN, Notre besoin de consolation est impossible à rassasier https://chabrieres.pagesperso-orange.fr/texts/consolation.html

Paul BLOOM, psychologue américain a même écrit un essai Contre l’empathie, hélas inédit en France. Il y aborde, entre autres sujets, un des dangers de l’empathie, la capacité à manipuler les autres.

Je ne suis pas donneuse de leçons. Je dis juste : SAPERE AUDE, OSE SAVOIR. Et ose savoir par toi-même.

Et NON, la musique ne console pas, enfin pas moi. Elle met en joie, elle met en larmes, elles remue, elle agite, elle émeut à mort mais c’est au contraire vers une grande lumière ou un profond désespoir qu’elle emporte. Bon, si elle consolait Liszt, tant mieux pour lui.

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