Intermède belge avant le troisième et dernier (?) volet sur les îles.
J’entends à midi un extrait de Pelléas et Mélisande et l’espace d’un instant, c’est le nom de Verhaeren qui me vient, bien vite suivi de Maeterlinck, bien sûr. Et cette confusion m’interroge. Qu’ils soient belges tous les deux est un premier indice. Mais il ne suffit pas… Qu’ils soient quasi contemporains fait avancer un peu la chose. Bien qu’Émile Verhaeren ait eu l’extrême malchance de mourir à soixante et un ans : accidentellement poussé sous un train par la foule. Trop bête !
Au début du XXe siècle, il y eut un vrai match entre Verhaeren et Maeterlinck pour obtenir le Prix Nobel. Maurice Maeterlinck (Gand-1862, Nice-1949) est de sept ans le cadet d’Emile Verhaeren.
Tous deux fréquentent le même collège à Gand. À la mort de Verhaeren, c’est Maeterlinck qui lira le texte d’adieu au grand poète. Verhaeren le voulait ce grand prix, lui qui s’intéressa de très près à l’anarchisme et aux questions sociales, lui dont la pensée allait au galop. Alors que Maeterlinck, pourtant grand bourgeois, s’en moquait comme d’une guigne ! Les mystères des créateurs…
Il faut dire que Maeterlinck jouissait d’une excellente réputation. Son éclectisme est étonnant : théâtre, livrets d’opéra, poésie, essais. J’aime beaucoup qu’il ait écrit » L’intelligence des fleurs » en plus d’essais sur les fourmis, les abeilles…
Gide ne l’aimait pas mais Proust l’admirait.
» Vous êtes le plus grand poète d’un temps dont je suis la plus grande danseuse. Un enfant né de nous serait admirable. Ne pourrions-nous pas nous rencontrer ? » lui écrira Isadora Duncan. On ne connaît pas la réaction de son épouse Georgette Leblanc, comédienne et sœur de l’écrivain Maurice Leblanc.
J’éprouve de la tendresse pour Émile Verhaeren parce qu’enfant, comme tous les écoliers de ma génération, j’ai appris certains de ses poèmes. Et plus tard, adolescente, je me suis perdue dans ses » Villes tentaculaires « .
[…] La ville est colossale et luit comme une mer,
Lointainement, de vagues électriques,
Et ses mille chemins de bars et de boutiques
Aboutissent, soudain, aux promenoirs d’éclair […]
[…] Des houx rouges de leur tourment
Elles ont fait des diadèmes ;
J’en vois : des veuves d’elles-mêmes
Qui se pleurent, comme un amant.
Les Promeneuses in Les Villes tentaculaires, précédées des Campagnes hallucinées, Mercure de France, 1920 (18e éd.)
Et puis ils sont belges tous les deux… et j’aime les belges, plein de belges. Dont ce peintre, Émile Claus découvert lors du billet sur Hugo Claus, il y a quelques années. (Le chagrin des belges, pour ceux que ça intéresse). Je suis un peu belge.
Et puis les musiciens… comment choisir ? Même Django Reinhardt (euh, lui, belge ascendant manouche). Alors, après mûres réflexions (Pardon Roland de Lassus, pardon Brel, pardon Arno, pardon Eugène Ysaÿe, pardon Julos Beaucarne et tant d’autres !), ce petit bijou découvert grâce à une amie ! Merci l’amie, merci Maurice et Émile, merci les belges !