Mais, nom d’un petit bonhomme, suis-je si vieille et ringarde ?
Je parle avec une jeune fille de 16 ans. Elle s’exprime plutôt bien – si l’on arrive à suivre le débit, qu’on a le décodeur pour certaines expressions et que l’on passe sur les tics et répétitions – mais avoue son rejet total pour la matière “français”, cette année : elle déteste le prof qui ne leur propose que du PONGE ! “J’aime bien la poésie mais là, franchement, c’est abusé !” (j’ai un doute sur l’orthographe : participe passé ou infinitif ?).
Alors je cite des noms, comme ça à la volée : “Et Flaubert, tu as lu ? Madame Bovary ? Non ? C’est dommage !” Puis, je me dis – comparaison n’est pas raison – que moi-même à seize ans, peut-être que je n’étais pas encore entrée dans ce monde.
Plus tard dans la conversation, je tente autre chose : “Et Maupassant ? Tu connais ?” Réponse évasive… J’avance d’autres noms, des écrivains que je lisais et qui m’embarquaient, des heures et des heures. Elle est perdue : il y a tant à lire ? Qui sont ces gens ? Par où commencer ?
Puis je me souviens… La bibliothèque des parents, quel vivier ! Des trucs que je trouverai peut-être tartignoles aujourd’hui mais que j’ai lus : Vipère au poing et Le petit Chose, La Citadelle, Thérèse Desqueyroux et Thérèse Raquin, Le grand Meaulnes… Je ne donne pas les auteurs. Ceux et celles qui dévoraient s’en souviendront.
Je me demande qui lit tout ça aujourd’hui ! Je demanderai à mes amies bibliothécaires.
Je remonte encore dans le temps et je pense à Cadichon, à Robinson… À Colette, à Claudine à l’école :
Et le nombre d’aiguilles qu’une couturière use en 25 ans quand elle se sert d’aguilles à O,50 F le paquet pendant 11 ans, et d’aiguilles à 0,75 F pendant le reste du temps, mais que celles de 0,75F sont… etc.. etc.. Et les locomotives qui compliquent diaboliquement leurs vitesses, leurs heures de départ et l’état de santé des chauffeurs ! Odieuses suppositions, hypothèses invraisemblables, qui m’ont rendu réfractaire à l’arithmétique pour toute ma vie !
Alors, la prof de français, je m’en fichais pas mal ! J’en ai eu des bonnes, des ennuyeuses, des sympas. Mais la lecture, c’était à moi. Ma demeure. Mon pays. Ça n’a guère changé. J’espère qu’elle lira un jour, la jeune fille de seize ans.
Ce Brassens je ne le l’avais jamais entendu, merci ! mais, mais… la musique est d’un lourd, c’est si rare chez lui, le piano trop bruyant sans doute.
Tu le dis bien, on lisait parce qu’on n’avait que ça, crois-tu que maintenant on lirait autant ? On ne peut pas s’approprier un twitter, alors qu’un livre… Maupassant et mes premiers émois, Zola et une conscience sociale, plus tard Bouvier et le voyage, Thérèse Desqueyroux que je n’avais pas compris et relu récemment avec émerveillement, et tous les “interdits”, les lectures en cachette, celles sous les édredons avec la lampe de poche sous les couvertures du pensionnat, tous ces livres qui m’ouvraient sur le monde et m’aidaient à vivre.
Tout à fait d’accord (même remarque immédiate de mon camarade qui ne connaissait pas non plus, pourtant grand grand de fan De Georges Brassens !): c’est quoi ce piano ? Mais j’ai aimé l’entendre chanter ça.
Oh moi, je n’avais pas que ça ! Je pensais beaucoup à m’amuser… Mais, c’était dans ma vie comme on respire : au bistro, dan le bus, pendant les cours des matières pénibles et bien sûr, comme tu le dis, au lit, tard le soir…
Il est vrai aussi que ma demoiselle-de-seize-ans et ses congénères ont tant d’autres formes de ” lectures ” ! Mais ils restent dans le monde ordinaire, vase clos, geôle de soi…
Où les trouvais-tu ces livres ? Il y avait une bonne bibliothèque dans ton école ?
Ah ah ah… le plus beau compliment jamais entendu de la part d’un parent d’élève a été :
« Vous lui avez donné le goût de lire »
Mais c’etait il y a bien longtemps et je ne sais si aujourd’hui j’aurais la même chance !
La lecture est une chose, innée comme chez certains enfants comme toi et moi sans doute, et ce, qu’elle que soit l’époque, l’enseignement de la lecture/ littérature en est une autre …. aujourd’hui l’envahissement du temps libre par les jeux vidéos, le domaine de l’image, voire la mode de certains sports nuit au temps du rêve, du « rien » créatif, de la lecture potentielle…. en plus les consignes des inspecteurs de l’education nationale sont parfois étranges. Je me suis fait copieusement répréhender parce que dans la liste affichée des lectures loisirs possibles j’avais inscrit « la bicyclette bleue »…. pas un chef-d’œuvre , j’en conviens ! Mais il a été dévoré par mes collégiennes qui, peu à peu , ont découvert un certain plaisir de passer une journée le nez dans un bouquin…
Certains de mes collègues exagèrent aussi : faire lire « Germinal » en 4ème où 3ème me parait plus que prématuré ( sauf pour quelques extra terrestres). Quand tu le proposes à des lycéens ils disent qu’ils connaissent déjà que C’est chiant, et j’en passe …. alors que si c’est une découverte ça peut , à 16 ou 17 ans les passionner, avec quelques clés à la base…
Je suis partie à la retraite il y a 10 ans, très en fureur contre l’enseignement et les programmes du bac français….
Cela dit j’adore Ponge, et je crois avoir réussi à le faire aimer ( mais rarement à toute une classe)
Bonne journée Claire . Bises
Tu sais de quoi tu parles, Joëlle ! Et je comprends soudain qu’effectivement il n’y a aucun lien entre l’enseignement de la littérature et la lecture. Mes amies boulimiques (nous étions un clan) et moi ne devions rien à nos profs côté consignes de lecture. L’écriture, oui, la construction d’un écrit.
C’était une très bonne idée ” La bicyclette bleue ” ! Aujourd’hui, ce serait Gavalda ? (sans jugement aucun, je ne l’ai pas lue)
Nous survolions chronologiquement (grâce aux Lagarde et Michard) et j’exagère lorsque je dis que l’école n’y est pour rien dans ma passion : la découverte de Rutebeuf et Villon, certains sonnets de la Pleïade… et quelques autres, quand même !
Ta douleur, Du Perrier, sera donc éternelle ?
Mais il y avait la lecture de l’école et les livres…
Moi aussi pour PONGE ! Mais je crois que la prof a exagéré, enfin la demoiselle n’a pas été sensible du tout au texte Le Pain !
Dans ma jeunesse j’ai lu très peu de classiques, pour tout dire ça me barbait, je lisais surtout des livres d’aventures, essentiellement guerrières, et des polars.
Bon, le lycée m’a obligé à certaines lectures, et j’étais en 2° textes anciens, donc …
Aujourd’hui c’est Science Fiction et Heroic Fantasy. En fait, en analysant (un peu) ce “choix” (en est-il un ?), ce sont des genres qui me sortent du monde réel. Oui, rêves et irréalité qui me permettent d’échapper complétement à ma condition de pauvre humain terrestre limité dans le temps et dans l’espace… ça me convient.
Oui, mais tu faisais des maths pour ton plaisir ! Ça, ça me sciait ! Et puis tu étais du genre actif, quand même ! Autre chose dont je ne suis pas sûre : les filles lisaient plus, il me semble… Je peux me tromper.
Pour la SF et l’Heroic Fantasy, je respecte complètement : ce besoin de mondes imaginaires est tellement légitime ! J’adore certains films de ces catégories parce qu’on m’offre les images. Mais toi, tu dois te les créer surtout si c’est bien écrit. Donc, fais ce qu’il te plaît !
En fait, je lisais beaucoup, et avec mon pote Jean-Marie B. nous dévorions les Maurice Leblanc, et l’énorme Collection Marabout … Henri Vernes et son Bob Morane, entre autres. Bon certes, ce n’est pas de la littérature.
Henri Vernes, tiens ça me fait penser à Jules Verne (sans s) j’en ai lu quand même pas mal. Jules Verne entre-t-il dans la catégorie des classiques ? Je ne le pense pas mais je peux me tromper.
Grand souvenir du petit B. si intelligent ! Et comment que Jules Verne, Leblanc and C° c’est la littérature ! Et comment que Jules Verne (pour Henri, je ne saurai me prononcer) c’est un classique !
Tout est là : style et imagination. Donc, tu lisais…
Il faut dire que la définition de la littérature apparaît comme complexe et surtout sujette à des courants de pensée mais aussi à son évolution selon les époques. Je viens d’aller fouiner pour essayer de comprendre. Je ne suis pas un littéraire, tu le sais, et donc je me trompe sur ce qu’elle est (peut-être) véritablement.
Quant à la littérature classique, il faut que j’aille lire la(les) définition(s) … je pense que tout cela doit faire l’objet de batailles d’écoles.
Oh que oui ! Épiques, les batailles ! Je trouve ceci : Un classique est un artiste ou une œuvre d’art qui fait autorité dans son domaine, qui est devenu une référence. Mais qui décide de ce qui fait autorité ? Vu hier un documentaire passionnant sur Rodin qui en a bien bavé pour devenir un ” classique ” ! Son Balzac (extraordinaire) avait juste 50 ans d’avance. Bon, on n’est pas dans la littérature mais c’est comparable.
Donc devient classique ce qui est acceptable pour l’époque. Par exemple, Les Rolling Stones sont de la musique classique !
J’aime bien ton exemple ! Par contre les Rolling Stones ce n’est plus ma tasse de thé, je trouve Mike Jagger assez pathétique dans ses dernières apparitions scéniques, à 75 ans il devrait raccrocher.
… bon, Pink Floyd, c’est différent. Les Rolling Stones seront oubliés alors que Pink Floyd est éternel !!! (ce n’est que mon avis). David Gilmour est vraiment un artiste.
Tellement d’accord pour Pink Floyd : ce sont eux que j’aurais du citer ! (Les Stones, je les écoute, je ne les regarde pas ou alors la bonne époque !)
En voilà du beau filigrane de billet : galeries des mondes creusées par d’autres, ors de nos longues enfances à jour, merci!
S’il en est un, un seul : Le Grand Meaulnes.
Aucune forêt n’est depuis privée de son domaine perdu, de son Pierrot abîmé de passion(s).
Ah oui ! Le Grand grand Meaulnes… Tous les gens que j’ai connus et qui avaient aimé ce livre en parlent avec une émotion particulière. Et beaucoup de garçons dans le lot.
Des pays perdus, d’autres trouvés… Dans les pas-mots des écrivains, des mondes.
Et puis du pas-correct, l’époque où je dévorais tous les San Antonio de Dard, les inventions de vocabulaire, l’hénaurmité ! On peut aussi arriver à la littérature par là… alors je comprends très bien les Bob Morane, la SF (ah Dick, Brunner… Lire, d’abord.
Ha oui ! les San Antonio, je les avais oubliés.
J’ai essayé d’en relire un il y a quelques temps déjà, mais je n’ai pas accroché … me concernant, c’était une autre époque.