Je marche sur du bitume. D’habitude, je regarde où je mets les pieds. Mais là, je regarde loin devant ou bien je cherche quelque chose dans mon sac. Puis sous mon pied, une sensation horrible, un splash, pas celui de la crotte-de-chien-du-pied-gauche, ni celui croustillant du pauvre escargot qui, malheur à lui, se trouvait là. Non, une sensation mi-solide mi-liquide, une légère résistance suivie d’un écrasement. Par tous les saints, sur quoi ai-je marché ?
Sur une mandarine ! Il a fallu que sur tous ces mètres carrés je pose le pied là, sur ce pauvre fruit perdu, tombé d’un panier, abandonné sur le parking. La mandarine abandonnée…
Et pourquoi, aussitôt me vient à l’esprit ceci ?
Je pense à l’arbre, celui qui a produit le fruit. C’est généreux, un arbre qui fait des fruits comestibles pour l’homme, pour les animaux aussi d’ailleurs. Et les fleurs du mandarinier sont exquises, à l’œil et au nez (et à droite).
Les arbres qui ne font ni fleurs ni fruits – je ne sais si cela existe – donnent leur ombre et c’est très généreux aussi, même s’ils ne font pas exprès.
C’est que je suis dendolâtre*, de surcroît en pleine lecture du livre de Alain Corbin* et surtout en pleine préparation de… mais chut ! Chaque chose en son temps, le temps des arbres est long. Ci-dessous, ma photographe d’arbres préférée.
Du coup, le projet et ma dendolâtrie m’ont fait oublier la mandarine écrasée. D’ailleurs, c’était peut-être un abricot.
Partons nous promener avec celui qui aimait tant les arbres et la forêt.
*1 La dendrolâtrie, du grec δένδρον (dendron), signifiant « arbre », et du latin latria, lui-même issu du grec λατρεία (latreia) signifiant « adoration », est le culte païen des arbres.
*2 : Alain Corbin, La Douceur de l’ombre – L’arbre, source d’émotions de l’Antiquité à nos jours – Fayard, 2013