On croit qu’on connaît par cœur mais on n’est que dans l’émotion puissante, celle de la vague… Attardons-nous, allons au détail, dans les coins, et là, apparaissent d’autres forces, d’autres petits miracles. On voit mieux le jaune du ciel, jaune d’orage. On perçoit l’écume griffue, on sent les embruns quasi floconneux. Pour l’estampe, trois couleurs seulement : le fameux bleu de Prusse, le jaune et le noir.
Regardez cette vague du premier plan, le Mont Fuji au fond de la toile en est l’exact écho (détail, à gauche). Elle est presque solide, cette eau, presque minérale. Et pourtant, un mouvement formidable, une mortelle menace.
Et puis toutes ces courbes dialoguent : vagues et barques, versants du Mont et vagues, nuages et écume, le plein de la vague et le vide du ciel, mouvant et immobile, tout en ying et yang.
« Des gris trop appuyés rendraient l’estampe moins plaisante, dites je vous prie aux imprimeurs que le ton pâle doit ressembler à une soupe de coquillage. En revanche, s’ils éclaircissent trop le ton sombre, ils ruineraient la force du contraste. Aussi faut-il expliquer que le ton soutenu doit avoir une certaine épaisseur, comme la soupe au pois “ précise Hokusaï aux imprimeurs.
Image du monde flottant (Pour Sous la vague, c’est à propos !) ou image du monde éphémère, c’est ce que signifie Hukiyoe, style de ces estampes qu’Hokusaï déclinera en de nombreuses séries, créant ainsi en Europe l’immense engouement pour le genre – Monet avec ses cathédrales et ses nymphéas et Cézanne avec sa montagne Sainte-Victoire – On dit aussi que cette vague inspirera La Mer à Debussy.
Ce qui n’empêcha pas Hokusaï, le vieux fou qui aime la peinture comme il se définissait lui-même, de finir sur un « Encore cinq ans de plus et je serais devenu un grand artiste. »
P.S. : Petite dédicace pour mon frère qui aime Hokusaï