Éh éh éh, ça vous rapelle kek chose ? Crooaaa, crooaaaa
On l’aura compris : j’aime le Japon en particulier parce que je ne comprends rien à ce pays et ses habitants ! Et j’aime être bousculée dans mon rapport aux autres, être interrogée, que rien n’aille de soi.
À Tokyo, il y a des corbeaux, beaucoup de corbeaux et les tokyoïtes entretiennent avec ces oiseaux une relation bien ambigüe. C’est que notre ami 烏 — karasu, le corbeau a quand même une présence centrale – j’allais dire cintrale – dans la ville. Je peux en témoigner.
Imaginez nos noirs camarades à l’époque de la nidification qu’ils pratiquent intra muros, bien sûr : pour élaborer une bonne armature, solide et esthétique à la fois – car le corbeau aime les belles choses – notre ami chaparde des cintres, ceux sur lesquels le linge est censé sécher sur les terrasses (phrase à dire vite et à voix haute). Et il tricote des nids du plus bel effet, façon sculpture d’art conceptuel… Pour le confort, on a des doutes. Mais peut-être parfois, les vêtements sont volés avec les cintres et servent à tapisser le fond. Car le corbeau est très malin.
Malin mais un peu saccageur sur les bords : les cintres, c’est lui, les poubelles ravagées, c’est encore lui, les fientes partout, toujours lui ! Alors, les habitants de Tokyo se lassent même s’ils s’extasient devant la ruse de Maître Corbeau et devant les nids. Parce que les trottoirs débordants de détritus, ça non !
Les corbeaux sont à Tokyo ce que les pigeons sont à Paris, cintres en prime.