Il y a bien longtemps, durant une de mes vies antérieures, j’aimais le butoh, beauté née du désastre, sur les cendres de la bombe atomique. J’étais en quête… et si je le suis toujours, mes sentes de recherche sont moins torturées et tortueuses. J’aimais être dérangée : j’ai été servie. Mais j’ai vraiment aimé le butoh, sans chercher à comprendre ce qui, pour un esprit occidental, échappe fatalement. Se défaire totalement des codes esthétiques est bien difficile, j’y suis presque parvenue, je n’avais pas le choix, je crois. Par chance, j’ai vu mon premier spectacle de Butoh au Japon, et j’étais déjà pulvérisée par le changement radical d’univers !
D’abord portée par une esthétique à couper le souffle, absorbée par la violence originaire, cette danse aux sources du geste dit le monde qui existe sous la surface des choses. Charnel et immatériel, ce pliage – si japonais – des corps des danseurs ne doit pas se voir seulement avec les yeux mais avec tout son être, comme le souhaite AMAGATZU, fondateur de la troupe Sankaï Juku.
Par l’expérience du corps vidé de sa “personne”, le corps du danseur Butoh peut vivre le caché, l’enfoui, la mémoire ancestrale.
Si j’y reviens aujourd’hui, c’est emmenée par la chanson qui ouvre le billet – incandescente pour moi – The Spirit was gone de Anthony and The Johnsons Swanlights , composée en l’honneur de Kazuo Ohno, maître du Butoh qui venait de mourir à 103 ans. C’était en 2010.
Mais j’ai trop à dire, j’y reviendrai…
Le Butoh ensorcelant.Tu écris “née du désastre,sur les cendres de la bombe atomique”…Oui, c’est un ressenti jusqu’au plus profond de l’être. Le tragique magnifie le sombre et l’émouvant. Ce
retour aux sources vers l’univers, priant le ciel, les nuages, le soleil, la végétation et les animaux.La danse occupe le corps et l’intelligence, elle nous donne les premiers gestes instinctifs,
l’homme et ses images intérieures.Cette danse qui semble primitive fait s’exprimer l’âme, vibrer à l’unisson.”Celui qui approche la vérité ne marche plus, il danse” Nietzsche.
Cette phrase de Nietzsche est MAGNIFIQUE ! Et toi, tu écris bien. Tout est juste dans ce que tu dis. Le mot qui me vient est archaïque, par rapport au chaos, celui du cosmos…
Bon, bonne journée, Nana et merci de tes mots.
Je ne connaissais pas ! ben non ! et je suis très très très impressionnée, c’est fascinant, absolument ! tanr d’intériorité visible, là. On imagine, et c’est devant nos yeux, une étrange beauté
comme une fleur qui n’aurait pas d’odeur et se déplierait doucement de sa gangue de soie.
J’ai là rencontré quelque chose.
Oh oui, c’est une collision ! Sûrement… Et c’est un monde d’inquiétante étrangeté. Ici, avec Ohno, c’est le concept de fleur, si je peux dire. quand le corps fait le pont entre matérialité
et immatérialité, le visible et l’invisible.
Je suis bien ravie de cette rencontre.
Ah ça alors, coïncidence, je suis en plein dedans: la semaine dernière j’ai contacté une compagnie de danseuses de butoh espagnoles et je suis allée prendre des photos lors d’un cours-stage. J’ai
envie de faire une série de peintures. Ca me fait grand effet. Et dans 3 semaines je vais voir un spectacle, pour la première fois, enfin. Je suis impatiente.
Je te lis et ça me parle beaucoup, je crois que je vois (que je sens) ça aussi, je t’en reparlerai bientôt après avoir vu les danseurs blancs. Ah et cette blancheur, il y a des choses à dire
aussi n’est-ce pas. Blancheur habitée, c’est glaçant et en même temps le butoh brûle, c’est cathartique, toutàfait cathartique, non?
Muchos abrazos
Sais-tu que le grand danseur Kazuo Ohno a fait un sublime spectacle sur la danseuse La Argentina ? En peinture, ça doit être “inspirant”… et casse-gueule ! Car c’est vrai que c’est hyper
visuel mais l’atmosphère est si particulière et étrange. Mais c’est le travail des peintres et les blancs sont passionnants.
Je suis ravie (et très peu étonnée) que tu sois branchée Butoh ! J’ai vu Sankaï juku à Yokohama en 1985 et à Bordeaux (avec ta sœur vers 2000), et Carlotta Ikeda et un autre dont j’ai oublié
le nom : à chaque fois, le CHOC ! Mais il y a de la douleur, quand même.