Les arbres que j’ai vu jaillir le plus droit ne sont pas ceux qui poussent libres. Car ceux-là ne se pressent pas de grandir, flânent dans leur ascension et montent tout tordus.
Tandis que celui-là de la forêt vierge, pressé d’ennemis qui lui volent sa part de soleil, escalade le ciel d’un jet vertical, avec l’urgence d’un appel.
Antoine de Saint-Exupéry – Citadelle
C’est ce que dit l’arbre en photo de Une (merci à Clarisse Méneret-Massart qui me prête ses arbres). Lui a erré, sa branche charpentière accueille les gourmands. Il ” flâne dans son ascension “.
Nous les aimons tous ; comme les êtres humains, ils sont tous différents : petits ou grands, feuillage caduc ou persistant, couleur et forme des troncs. Il y a quelques rois et de nombreux princes. Et tout un peuple, parfois en foule, parfois esseulé. Urbain ou campagnard, fleuri ou feuillu selon la saison. On ne peut jamais dire d’un arbre qu’il est laid.
Lorsque nous nous promenons dans le bois préféré du chien, nous avons nos favoris : certains abritent les geais, d’autres les rouges-gorges, d’autres encore les écureuils. Tous sont apparemment silencieux mais ils vibrent ! Certains dansent. Tous nous prennent dans leurs bras sauf peut-être les pins immenses, troncs écaillés.
Depuis quelques temps, on voit fleurir quantité d’ouvrages sur les arbres. Nombre d’entre eux mettent l’accent sur leurs interactions et c’est passionnant ! Le livre de Peter Wohlleben, La vie secrète des arbres, en est un exemple superbe ainsi que L’arbre-monde de Richard Powers. Nous savons mieux aujourd’hui qu’ils communiquent, que leurs racines se parlent, qu’ils ont des histoires, qu’ils se protègent ou se repoussent. Alors, quelle est l’histoire de ces siamois ?
Dansent-ils ? S’aiment-ils ? Unis dès la base, ils s’enlacent et s’élancent. Émotion.
(Je ne propose ici que le dix millième des photos de Clarisse. Sélection si difficile !)
Enfin, ce bijou de Prévert en langue verte et musicale :
En Argot
Les hommes appellent les oreilles
des feuilles
c’est dire comme ils sentent que
les arbres connaissent la musique
Mais la langue verte des arbres
est un argot bien plus ancien
Qui peut savoir ce qu’ils disent
lorsqu’ils parlent des humains
Les arbres parlent arbre
comme les enfants parlent enfant
Jacques Prévert – Arbres – Gallimard, 2019
Très beau, ce texte de Prévert que je connaissais pas. Les arbres et les oiseaux, tout est là. Présent. Merci Clarisse pour tes arbres.
Oui, découverte pour moi aussi ! S’appeler Prévert quand même, quelle chance !
Sans le règne végétal, que serions-nous ?
Clarisse lira ton merci et en sera heureuse, φυσικά !
Merci pour ces évocations tendres et sensorielles, et l’extrait des Waldszenen de Schumman que je n’avais pas écoutées depuis un moment!
Quelles belles photos…tant de corps, tant de vies… tant de langage!
Oh oui, c’est sûr qu’ils s’aiment en dansant et qu’ils dansent en s’aimant.
Merci à vous de votre visite pleine d’enthousiasme : ce sont ces partages qui nous tiennent debout, comme nos amis !
Soyez la bienvenue.
Dire le cœur
Arbre ou homme qui chante ?
c’est un même feuillage
suppliant ou heureux
que le vent fait trembler
au loin un rocher s’effrite
un peu d’argile couvre une plante
un oiseau passe entre les branches
comme une braise active
Demain ce feuillage n’aura plus de nid
qui soutiendrait un tel assaut
les yeux secs ?
La tendresse est ce mouvement même
visible encore du haut des murailles défigurées
des pierres chaudes que le temps peuple
de minuscules silences
In en descendant des collines, Pierre-Albert Jourdan, le bonjour et l’adieu
quelques photos en miroir de vos arbres !
Georges Maurin
Oh merci 1001 fois, Georges : ce texte et vos photos viennent embellir ce billet. Ce texte est superbe et je découvre l’auteur : merci pour ça aussi.
Quant aux photographies, si différentes, elles font si bien parler ce bois, ce végétal à la fois statique et mouvant, indispensable à notre vie.
Revenez quand vous voulez.