Aujourd’hui, je ne peux écrire que sur le doux Django. Je ne peux faire autrement. Il est présent dans son absence. Il occupe toutes les pensées. On anticipe sur le vide qu’il laisse. On sait déjà le manque qu’on aura de lui, de ses joies, de sa profonde gentillesse, de son amitié sans faille. La perte encore. Et aussi la chance de l’avoir connnu.
On pense toujours du banal quand on pense aux morts. On voudrait la berceuse, le caressant et c’est la brisure et le blessant. On a encore – persistance rétinienne – le grand corps souple et alerte, la joie du bain, du bâton à croquer, de l’os à ronger. On a mille images mélangées et puis surgissent celles des derniers jours, la vie qui quitte l’œil, le souffle haché et difficile et quelque chose – chez la bête qui ne peut dire avec nos mots – d’une incompréhension. Quand on pense à lui, on ressent également cette douleur d’une respiration qui se suspend, agrippant le plexus. Mal au cœur. Chasser ces images. Dépasser la tristesse.
Alors on donne tout, on déploie des trésors de douceur. On convoque les cavalcades et les rires. On mobilise les souvenirs drôles, les pitreries du chien qui aimait nous entendre rire, les attitudes étonnantes, les postures hilarantes. On revoit toute cette beauté et cette force. Une pureté. Tout le monde aimait Django, même ceux et celles qui ne l’avaient vu qu’en photo, à qui on en parlait comme on parle d’un membre important de la famille. Et on surfe sur la déferlante de tendresse qui accompagne son départ.
Tu es le jour
Foulant le pré parsemé d’ombres
Au travers des feuillages
tremblants de rosée
Tu es l’éclair
Au bout du sentier
de l’attente
Prime rayon à la brusque brûlure
Brume déchirée
Nid éclaté
Envol durable d’une grive
Haute semence
sur les mousses
Bientôt ivres de miel, de chant
Puis course sans frein au pas de brise
vers l’appel de l’eau vive
Face penchée
Main tendue
Cueillant dans le ciel
aveuglant écoulement
L’instant unique
François CHENG – Le Long d’un amour – Arfuyen, 2003