Voyager est une galère

Voyager sur l’eau c’est vraiment voyager.

Je vous rassure, amis voyageurs et sédentaires, le voyage est un travail certes, mais pas au sens du travail qui tourmente, le tripalium. Je l’entends plutôt comme une transformation, ou encore la déformation du bois qui travaille ; enfin, un changement, une traversée des lieux et de soi même. Le travail de traversée.

Voilà pourquoi sans doute, le bateau est le moyen de transport de rêve qui nous fait traverser ; avec le bateau, on quitte, on s’éloigne de la rive sur laquelle on laisse toutes ses frusques, son encombrant ego ; on s’arrache (enlever les racines). Partir et arriver en bateau, c’est en soi le voyage de quitter la terre.

Deux voyages en bateau qui restent vifs dans le souvenir, si vifs que chaque couleur est intacte : d’abord l’arrivée sur Alger-la-blanche (pas de bonne photo à vous offrir mais ceux qui ont vécu ce moment savent de quoi je parle : je parle de magie, de lumière, d’exotique.) 

Et ensuite le périple yougoslave de mes jeunes années : Ancona (Italie) où l’on se débarasse de l’automobile, ferry et arrivée à Zadar depuis laquelle nous effectuerons en bateau-stop 30 kilomètres en une semaine : des îles aux noms improbables (Krk par exemple), des lieux indescriptibles de beauté, des personnes dont les prénoms et les visages sont inscrits.

Et pour finir, Dubrovnik : le choc ! carte trouvée sur http://www.christianvancautotems.org/tag/yougoslavie/

Carte Yougoslavie


Je zappe (et pourtant…) l’arrivée en bateau sur Venise, avec mes enfants ébahis, un soir d’éclipse de lune. Remercier la vie d’avoir été là, à cet instant.

L’expression Écrivain voyageur s’est toujours présentée comme un pléonasme : comment peut-on écrire sans voyager et/ou voyager sans écrire ? Voyage de l’écriture.  Écriture de voyage.

Si nous ne partons pas emplis de nous-mêmes, si nous nous mettons en veilleuse et que nous partons désireux de rencontrer les autres, d’avoir le goût de l’Autre, nous revenons métamorphosés ; si nous ne le sommes pas, c’est que nous n’avons fait place à rien ni à personne, nous n’avons pas voyagé. Nous nous sommes déplacés.

Travailler à faire de la place sans disparaître.
Aller à travers, voyager se dit travel en anglais. Travel , travailler ?

Il y avait le Voyage d’hiver, il y avait les Fugues (eh oui) de Bach (et d’autres), le cher Brassens et tant d’autres ! Le voyage inspire. Et puis cet Ulysse m’a tentée : il fallait du léger, de l’aérien.

 

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gancapodeipipistrelli
gancapodeipipistrelli
il y a 13 années

très vrai et quoique n’ayant qu’une expérience courte (aller retour Brindisi Patras sur une ruine gitant de 20° et puant le mazout) je suis convaincu que le voyage en bateau est la meilleure
façon de voyager sur la terre (et en particulier sur la mer). Juste un inconvénient : au milieu de l’océan, rares sont les mammifères volants…

TempesduTemps
TempesduTemps
il y a 13 années

Très pertinent, pas de mammifères volants sur la mer car les poissons volants (exocet !) ne sont pas des mammifères alors que les pipistrelles, elles….

Saviez vous que Le poisson volant est une constellation ? Je viens de l’apprendre. On pourrait peut-être essayer de la trouver !

Brigitte giarud
Brigitte giarud
il y a 13 années

Oh que j’aime ton article sur le voyage. C’est quoi “voyager” et tu dis si bien l’expérience du voyage.

Le travail du voyage… Ce serait plutôt, oui, le voyage qui travaille en nous. Le chemin de l’écriture et du voyage…

Il est beau ton texte.

TempesduTemps
TempesduTemps
il y a 13 années

Merci, Birgit, merci. C’est chouette d’écrire, hein ? As-tu lu l’entretien avec Alain Badiou dans le Téléramuche de cette semaine ? Il y parle de rencontres. Quel voyage aussi, les rencontres !

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