Bouvier voyage encore

Ce pourrait être une séquence de la série « I once met » (vous vous souvenez ? La rencontre d’une jeune femme anglaise avec Samuel Beckett, sur le blog de Brigitte Giraud).

J’ai rencontré Nicolas Bouvier, pas une vraie rencontre, mais des échanges au téléphone qui me laissent, des années après, 

l’impression de l’avoir un peu connu. C’est une histoire gigogne comme je les aime…

Je travaillais en 1993 sur une grande exposition consacrée à Roland Barthes. Dans son superbe livre L’Empire des signes, l’écrivain parle du Japon (j’y avais déjà fait deux voyages) et plus précisément du  » travail du signe « . Et, page 9 de l’édition Flammarion se trouve l’admirable kanji MU = rien, le vide.

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Kanji « Mu », photo Nicolas Bouvier.

Donc, téléphoner à Nicolas Bouvier (ben voyons !) et essayer d’obtenir l’original du cliché pour l’exposition. Il écrivait à ce moment-là Le Hibou et la baleine (Quoi ? Vous n’avez pas lu ce petit chef-d’œuvre ? Où l’on apprend que son animal-jumeau est le « Tarsier spectre » et plein d’autres choses miraculeuses !). Bon, bref, au fait, au fait.

 L’homme – qui m’a répondu lui-même – était la gentillesse et la modestie incarnées. Bien sûr qu’il allait prêter son cliché original ! Une expo sur Roland Barthes ? Formidable ! Oui, il savait vaguement que sa photo avait servi pour illustrer le bouquin de Barthes sur le Japon… Et l’on se retrouve à parler avec un des plus grands écrivains francophones, écrivain-photographe-voyageur, comme si l’on se connaissait bien.

L’on peut alors le rappeler le cœur léger quand la photo est arrivée et s’extasier avec lui sur la beauté mystérieuse des kanjis… Et quand on raccroche, on est conscient que la rencontre a eu lieu et qu’elle était jolie et forte.

Et la plongée dans l’œuvre importante, protéiforme et belle belle, se fait et les livres – tous sans exception – vous accompagnent longtemps et encore plus. Un de mes amis proches suit avec un atlas les voyages et pleure parfois devant la beauté et l’envoûtement des écrits de Nicolas Bouvier.

« Mais rien de cette nature n’est définitivement acquis. Comme une eau, le monde vous traverse et pour un temps vous prête ses couleurs. Puis se retire, et vous replace devant ce vide qu’on porte en soi, devant cette espèce d’insuffisance centrale de l’âme qu’il faut bien apprendre à côtoyer, à combattre, et qui, paradoxalement est peut-être notre moteur le plus sûr. » Nicolas Bouvier

Nicolas Bouvier, Tabriz, 1954.
Nicolas Bouvier, Tabriz, 1954.

 Pour la musique, embarras du choix : Bouvier disait que la musique était la moitié de sa vie !

Musique de voyageurs poètes (La Bande de brigands) pour un poète voyageur

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