Trois seules choses sont vraiment belles dans la création : la lumière, l’espace, l’eau (Une vie).
L’homme était obsédé par le regard, lui dont les yeux lui causeront tant de misères. Dès 1880 – il a alors 30 ans – il confie à son maître Flaubert les soucis que lui cause son œil droit atteint de paralysie de l’accomodation. Et ça ne fait que commencer.
L’écriture est une question de coup d’œil : ” Je crois que pour produire, il ne faut pas trop raisonner. Mais il faut regarder beaucoup et songer à ce que l’on a vu. Voir : tout est là et voir juste. “ Pourtant, notre homme n’a rien d’un contemplatif ! Fort et hardi, il pratique la marche, la natation, le canotage, la voile avec passion. Il suffit de lire le beau texte d’Apollinaire pour s’en convaincre. http://www.maupassantiana.fr/Documents/articles_bio_Culturephysique.html
À Etretat, il débusque Courbet en planque derrière la fenêtre de sa cuisine en train de peindre La Vague (1869) : ” Un gros homme graisseux et sale collait avec un couteau de cuisine des plaques de couleur blanche sur une grande toile nue ” (La Vie d’un paysagiste).
Dans un magnifique article (” Je suis avant tout un regardeur ” Magazine littéraire n° 310 mai 1993), Alain Buisine avance la théorie suivant laquelle la représentation chez Maupassant témoigne d’une véritable présence du réel et simultanément de son effacement, de sa disparition.
« Pourquoi donc cette souffrance de vivre ? C’est que je porte en moi cette seconde vue qui est en même temps la force et toute la misère des écrivains. J’écris parce que je comprends et je souffre de tout ce qui est, parce que je le connais trop. »
L’impressionniste quasi aveugle et halluciné et le réaliste, photographe précis, cohabitent, jusqu’à devenir fou. Pauvre, pauvre Maupassant.
Voir clair, c’est voir noir . Valéry
P.S. : J’ai déjà parlé de Maupassant il y a un an : l’article Fécampois, fécampoises évoquaient son rapport avec la musique, avec le son et l’oreille pour être plus précise.
Voir, c’est voir. Regarder, c’est voir avec la pensée.
Moi.
Ça c’est envoyé ! Et en plus d’une justesse aiguë. Merci, TOI
Oui, je me rappelle de cet article. Et voilà que je me dis que je ne connais pas ce livre-là. Voir juste, ce serait voir noir… qui ne veut pas dire voir tout en noir. C’est que la lumière
aveugle et que le point le plus lumineux n’est pas celui qui se trouve forcément sous la lampe.
Il est tard, le ciel est sombre et vois ! comme tu perçois les choses avec tant d’acuité.
Chez Valéry il y a un cogito du regard, encore plus que chez Maupassant !
Ah et puis cette phrase que je trouve en écho avec le voir clair, voir noir :
Agir avec l’optimisme de la volonté et réfléchir avec le pessimisme de la raison. Gramsci