On a changé d’année, qu’ils disent ! Pour moi, le vrai changement intervient lorsque le jour recommence à grignoter sur la nuit. Dans les temps du calendrier oublié, ce changement d’un chiffre dans le millésime était peu important. D’ailleurs, il est étrange ce mot de millésime pour désigner une année.
Quand j’étais campagnarde, c’était un mois de dur labeur dans les vignes. Mais la taille est le moment le plus intéressant : tout l’avenir se joue dans un coup de sécateur. Quel bois choisir pour porter les grappes à venir ? Donc, observer le pied de vigne, réfléchir. Et prévoir l’année d’après avec le retour, futur bois à fruits. Voilà, janvier est le mois qui engage le millésime à venir, pour le vigneron.
Janvier, mois du blanc peut broyer du noir. On solde l’an passé mais on n’a pas encore pris le train de l’an nouveau. Peut-être que le temps s’en moque de ces histoires…
Je vous propose la musique qui a hanté mon année 2017 et mon Janvier d’autrefois.
JANVIER
Laisser la peur prendre toute la place, ne plus essayer de l’encercler, la laisser déborder les murs, envahir l’espace et… la voir enfin. Dans le vide, elle se meut.
Janvier et ma peur : quand les feuilles étaient tombées, nous partions tailler la vigne. Les chats mettaient leur poil, les vignes perdaient leurs plumes.
On va toujours vers un hiver avec son goût de vieille cigarette. Le jour s’ouvrait sur un grand feu de sarments dans les vignes.
Demain, ou au printemps… toujours les gros merles dans les lilas gelés, sans soucis de nos masques blancs. Ils reviendront, les soirs roux et fous de parure.
Aux abois, nous nous écartelons au froid sauvage, la face tournée vers le levant.
En l’attente, la terre craque, bleuit, sans mémoire.
Extrait du Calendrier oublié in L’Aveu des nuits – Editions des Vanneaux, 2017 (L’Ombellie)
La terre craque, pas seulement dans le calendrier oublié. (Je me souviens très fort de ce moment d’été où j’ai lu ton Aveu)
Merci, Christine, de tes passages et de la précision de tes souvenirs. Précieux pour moi.
Belle heure cet espace texte d’une saison non éclose, patiente et confiante du savoir-faire qui lui est dû.
Printemps, ces mains qui savent sève, et d’autres encore. Merci!
En début d’année selon notre calendrier mais au beau milieu de l’hiver. Je l’aimais bien quand même, ce janvier, parce que Yo et moi avions appris à tailler, tâche normalement dévolue aux hommes ! Et ces grands silences, dans les règes, quand chacun pensait devant son pied de vigne. Oui, j’aimais ça. Et j’aime que tu aimes.
Tiens, “rège”… Je pensais que ce n’était qu’un mot du patois charentais (que l’on me conseillait à la maison de ne pas dire…;-)). À croire qu’il a franchi les frontières. L’as-tu toujours “connu”?
Dans le sens de rang de vignes, toujours entendu règes dans ma contrée mais terme utilisé plus par les paysans que par les patrons. Sais-tu pourquoi l’on te conseillait de ne pas employer ce mot ? Double sens “vulgaire” ?
Ah, “vulgaire”… Compris, hélas! Mais je n’ai certainement pas assez côtoyé le gars du coin au bar pour entendre cette utilisation… Et mon innocence, encore intacte, m’a préservé du pire ! 😉
La correction du langage en général tenait plus de l’apprentissage de la frontière à comprendre entre dialecte et langue officieusement officielle. N’est pas breton qui veut.
Ah ah ah… Je t’entends d’ici échanger en breton avec le Baloo, tu sais celui des Eglisaures Échalotes !!