Il y a quelques temps, je proposai trois poèmes de mon premier recueil Six petites perdrix. L’un d’eux s’intitulait Tango. Puis j’ai fait deux billets sur cette danse. On continue à danser en vers (et contre tout) avec le milan, les pensées et l’inquiétude. Les trois textes datent de 2001.
Milan
Inexplicablement, vient la nuit où cède l’enfance, son chagrin et ses digues, où déferle librement l’ignorance totale.
J’accoste alors derrière mes paupières, en pays froid et blanc, sans contours ni frontières : sidérée et résolument muette, j’écope des eaux illimitées, à l’oubli chaque fois retournées.
Plus loin, plus tard, tout me sera livré, et je serai soudain sauvée par la signature élancée d’un nuage et la palpitation en vol d’un milan.
*
Se délester
Délestez-vous de vos lourds trousseaux de clefs.
Résiliez vos rires usés et pansez vos âmes brûlées.
Cela a existé :
les rendez-vous précoces à l’abri des claustras
les pensées clandestines
l’affût du mot qui cloue
les amours doux et lourds comme une mère
les injonctions au bonheur.
Vous pouvez tout oublier : vous n’avez plus besoin de rien pour descendre au miroir.
*
Inquiétude
Lumineuse inquiétude
Le temps se cherche et la vie est fraîche, presque trop, labile et légèrement tendue,
semblable à l’enfant qui scrute.
Nous tambourinons furtivement aux portes.
Sur nos fronts, nos routes dessinent d’autres rivières.
Pourquoi, toujours révoquons-nous nos accalmies ?
Qui vient incessamment faire frémir la vie ?
Quels visiteurs têtus picorent l’air alentour et rayent les glacis de nos silences ?