Devant la bibliothèque. Songeuse. Plein d’idées de livres à chroniquer, à partager… Et puis soudain, mes yeux glissent sur un talus. Un Corot en couverture, charmant certes mais qui n’est pas adapté, à mon avis. Parce que Réda se promène beaucoup en ville aussi, même s’il est question d’herbe et de talus dans le titre. Je propose donc ceci :
Avec une gentillesse totale, Jacques Réda nous ramène en des endroits connus, comme « l’infini paisible » de Ronce-les-Bains ; il nous fait rencontrer la Jeanne de Luxembourg – ce Luxembourg-là est totalement exotique – avec pour compagnons Rilke, Pavese et Cavafy ; à Londres, ce sont les cerfs-volants qu’il célèbre, « concours de pêche aux nuages » ; monde de la petite vitesse, chat modeste, mouche de Narbonne, rhododendrons d’Écosse agrémentés des différentes vocalises des autochtones sur « ha ha », « hâ hâ » ou « hun hun », sorte de ponctuation ou de métalangage.
Nous empruntons avec lui tous les moyens de locomotion dont l’élu est le train. Et c’est la musique même de la planète, délivrée par ce plectre énorme contre deux cordes de fer, les harpes sauteuses du télégraphe. (L’Herbe des talus, Poètes d’aujourd’hui, Seghers, 1986).
On n’est pas étonnés de cette fascination, elle est raccord avec celle du jazz où les trains sont si présents ! Et le jazz, Jacques Réda connaît, il a beaucoup écrit sur le sujet, petit exemple :
Car Hampton est de ceux qui véritablement improvisent, c’est-à-dire rétablissent la situation, transforment en site fondamental la précaire passerelle. (Jacques Réda – Poètes d’aujourd’hui – Seghers, 1986)
Pour revenir à notre livre, L’Herbe des talus, une autre photo d’Anthony Burque :
Et terminer en citant Réda à propos de mon chouchou La Fontaine : « le flâneur de l’infime ». Lisez L’Herbe des talus, relisez le, arrêtez vous à Delphes (p. 165, Folio n°2793, 1995) où, selon Platon, il y a de l’herbe pour s’asseoir.
Jazz de train et poème :
Lente approche du ciel
C’est lui, ce ciel d’hiver illimité, fragile,
Où les mots ont la transparence et la délicatesse du givre,
Et la peau froide enfin son ancien parfum de forêt,
C’est lui qui nous contient, qui est notre exacte demeure.
Et nous posons des doigts plus fins sur l’horizon,
Dans la cendre bleue des villages. […]
Un homme qui écrit un livre intitulé Aller aux mirabelles ne peut être mauvais.
P.S. : En Une, la bicyclette de Jacques Réda : pas trouvé le crédit. Le photographe Anthony Buque a également fait toute une série intitulée Bêtes à portrait vraiment bien. À voir sur :
http://www.anthony-buque.fr/oeuvres-personnelles/betes-a-portrait/