Erri de Luca écrit à pleines mains, des mains terreuses (2 R bien roulés), calleuses (2 ailes), des mains d’effort.
Oui, son écriture a la couleur et l’odeur de la terre, et le grain du granit.
Il fut ouvrier et maçon, vraiment. Et engagé politiquement, très engagé.
Il est aussi jardinier dans Trois chevaux. Souvent on y parle de potager et d’olive.
Erri de Luca est aussi alpiniste (ce que je n’ai pas aimé apprendre parce qu’il y a quelque chose qui me flanque la trouille chez les gens de montagne) et c’est vrai que tout son travail tutoie les cimes. En tous les cas, c’est grand chez lui ! Et haut ! Et fort ! Minéral, quoi !
Erri de Luca n’est pas croyant mais il a appris l’hébreu pour comprendre le Livre.
Et Daniel Rondeau a bien raison de dire que “chaque page de cet incroyant est une prière”.
Et là, à côté, sur la photo prise en 1970 (salut les 20 ans !), il est joyeux,
il danse, rien de la quête de l’Absolu (quoique…) : un jeune homme qui danse.
Donc, Erri de Luca est en haut avec les nuages, les sommets
et les anges, et en bas avec les maçons , les jardiniers et les filles.
Et j’aime bien ce côtoiement, tous les jardiniers sont des mystiques.
Dans Una nuvola come tappeto = Un nuage comme tapis, (entretien avec Erri de Luca, La République des Lettres, mai 1994 mais aussi titre d’un ouvrage), Tiziana Colusso dit que “la mémoire est alors moins un dépôt d’archives qu’un lieu d’inventions incessantes qui jaillissent sans cesse de ce que Fernando Pessoa appelait le “cœur hypothétique” de l’écrivain”.
Et comme (presque) toujours ici, une touche ou note musicales :
«Il avait réussi à m’expliquer que la musique était un bouquet d’odeurs, Mozart était le basilic, Beethoven la caroube, Bach était la lavande.» L’Orpheline et le porteur d’eau, une nouvelle pour Le Figaro, 2008.
Allons, repartons pour l’absolue musique des lointains, en haut, tout en haut avec Arvo Pärt :
Je suis le contraire de Brigitte … cette musique pour moi est plutôt l’enfer! Cela m’a rappelé quelquechose (à cause de son côté cinématographique) le début d’Othello, film d’Orson Welles
(musique que Dominique aurait aimé pour son ‘funeral’)!
http://www.youtube.com/watch?v=rMXHrpiXbeo
J’ai cherché le compositeur (un Estonian)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Cantus_in_memoriam_Benjamin_Britten
mais j’ai lu le site en anglais d’abord
http://en.wikipedia.org/wiki/Cantus_In_Memoriam_Benjamin_Britten#cite_note-CT-3
j’ai traduit (mal) cette phrase:
A cause de son feeling cinématique et évocateur, ce morceau a été beaucoup utilisé comme accompagnement de fond dans des films et documentaires de télévisions.
Suis contente de découvrir de Luca, tout ce qu’on lit sur lui le mets très haut dans mon estime. Maintenant il faut que je lise ce qu’il a écrit! Merci texto Claire … see you soon pour
trinquer!
Warren,
Comme toujours, tes commentaires sont pleins d’intérêt ! Je ne sais si Erri de Luca est traduit en anglais mais son langage n’est pas compliqué.
C’est vrai que Arvo Part est très “cinégénique”, et assez mystique aussi. J’aime beaucoup le côté exotique (pour moi) et “suspendu”… entre le ciel et l’enfer ?
Ouvrier et maçon, il y a du Thierry Metz en lui ! Je ne sais plus le titre du livre que j’avais très aimé de lui, ah la mémoire !
Merci, Claire, de me faire découvrir cette musique magnifique. On est là aussi dans des hauteurs célestes.
J’ai lu quelque part un poète (rassure toi, j’ai oublié son nom) qui avait aussi rapproché Thierry Metz et de Luca… Mais le second est plus du côté de l’ascèse. J’aime fort fort Thierry Metz
qui m’émeut pour des tas de raisons.
Quant à Arvo Pärt, j’avoue que ce fut un choc, c’était la nuit en plus…
A toi
« C’est ce que doivent faire les livres, porter une personne et non pas se faire porter par elle, décharger la journée de son
dos, ne pas ajouter leurs propres grammes de papier sur ses vertèbres. »
Erri de Luca, Trois chevaux
mercredi 25 octobre
2006 10:32J’aime lire Erri de Luca
Plus exactement j’aime l’homme qui écrit sous le nom de Erri de Luca
Homme sobre, silencieux, de peu de mots, d’extrême gauche, de la minéralité
Bizarre non ?
Ce que nous aimons chez de Luca (enfin, supposition), c’est “notre contraire”. C’est la possibilité que l’homme soit différent de l’écriture et inversement. C’est aussi “l’homme des contraires”
que nous aimons. Enfin, c’est un peu compliqué ! Mais quelle écriture !