Un livre : Rats taupiers de Christophe SANCHEZ

Un beau livre : Rats taupiers Christophe SANCHEZ – Éditions des Vanneaux, 2016 (L’Ombellie). Ill. : Didier CROS

Acheté hier à la Galerie Première Ligne, chez Cécile Odarchentko galeriste et éditrice à Bordeaux ; commencé dans le tram de retour et fini tout à l’heure. Pas pu lâcher ce livre. Portraits d’hommes, le fils parlant du père nous en dit beaucoup sur lui-même, pudiquement. Dédicace : À mon père Marcel, celui qui est passé sans se voir.
Dans une langue acérée, précise, un homme parle de son père qu’il ne peut ni approcher ni quitter. Premières lignes :
Les mots tus. Sais-tu combien de mots tus j’ai voulu te dire ? Les mots tus, ça ne se dit pas sinon on les appellerait les mots dits. Maudits mots tus. Tu vois, c’est facile, je joue. Je joue avec les mots tus. Je ne les dis pas, ces mots tus, même aujourd’hui que tu n’es plus. Je les écris. Tu aurais souri si je t’avais dit un jour ces deux mots simples à jamais tus : j’écris.  

Pour l’ancienne vigneronne que je suis, les passages sur le travail de la terre, des vignes, sur les vendanges ont été une vraie joie de lecture, des retrouvailles. On y parle au passage d’un pays fort et âpre. Un pays auquel le corps de Marcel se heurte, se frotte, s’abrase. Pourtant, quel danseur, le père ! […] je revois les traces de tes pas glissés sur le sol des guinguettes, tes mouvements en harmonie jusque dans tes pieds acrobates […] Pour d’autres raisons, la relation de Marcel à la clope et l’alcool m’a parlé. Pour l’amour des mots et de leur collision, je voudrais apprendre par cœur telle ou telle ligne.
Tout est dit des objets, de la langue, des corps qui accompagnent une vie. Tout est si juste, si finement regardé, de loin, de près dans une très belle honnêteté, presque cruelle. Il ne se rate pas, l’auteur, il ne rate pas son père non plus. On n’est pas dans la concession ni le compromis. Du coup, il réussit tout : j
amais de pathos mais une émotion à pointe fine, à l’os.
Avant-dernières lignes pour ne pas quitter tout à fait, nous non plus :
On ne dit pas la peine et les nœuds coulants dans les gosiers. On est des taiseux de l’affect, des oublieux. Alors, comme dans ta tribu disloquée je me tais aussi et que le regret continue à cingler mon dedans, j’écris là et dans nos interstices d’amour quelques restes de toi.

Je ne trouve pas le rapport mais je pense à André Minvielle. Les mots, le sud, la danse, la vie

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